Origines du village et Chateau de Camblain-Chatelain dans le Pas de Calais
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L’avenir d’Auchel
Camblain-Châtelain L'actualité régionale a eu ses feux
braqués, cette semaine, sur la destruction définitive des derniers vestiges du
château de Camblain. Nous sommes heureux de reproduire
ci-dessous une notice historique sur ce village qu'avait rédigée M. Jean Ratel
de Ce récit est surtout folklorique. Il
est tiré, pour la plupart de ses renseignements, dans le dictionnaire
historique et archéologique du Pas-de-Calais, l'épigraphie du Pas-de-Calais et
les recherches de notre Historien régional. Voici les noms que portait cette
commune aux 12e, 13e et 14e siècles, d'après le dictionnaire des noms de lieux
de Messieurs Ricouart et de Cardevaque : · 1135: Camblin (Bulle d'Innocent II) ; · 1138: Camblin ; · 1256 : Cambling (Charte de Jacques, Évêque d'Arras) ; · 1415: Camblain le Chastelain ; · 1545: Camblain-Chastelain ; · Vers 1300 : Nous citerons leurs descendants : · Jehan 1er du nom qui prit part à l'expédition envoyée au secours de Calais
en 1348 ; · Charles seigneur de · son frère, seigneur de Camblain, tué à Azincourt avec ses deux fils. Ce
seigneur laissa pour héritière Marie de Recourt qui épousa Valeraud d'Hingette,
seigneur des Obeaux, gouverneur de Lille, Douai et Orchies et qui légua la
terre de Camblain à son cousin Jean de Recourt dit « Agavin », fils
de François et de Béatrix, dame de Licques. · Jacques 1er qui se distingua en Italie et fut nommé échanson de l'archiduc
Charles : François III gouverneur de Lille et château d'Aire en 1604, François
connu sous le nom du baron de Recour mourut en 1680. La terre fut alors vendue par décret
du Conseil d'Artois en 1621 et achetée par la famille Vignacourt, branche des
barons de Pernes, seigneur d'Ourton qui le conserva jusqu'à 1835. Ce village, l'un des plus poétique
du pays d'Artois, est installé au fond d'une longue et profonde vallée,
arrosée, fertilisée par la nonchalante rivière « Ce petit ruisseau serpente au milieu
d'un grand pâté de collines qui se dressent entre Béthune, Pernes en Artois et
Saint-Pol, Camblain-Chatelain est célèbre par son château, sa fontaine de St
Quirin et sa pelouse aux fées. De très bonne heure, dès le VI°
siècle, nous voyons mentionné dans l'histoire le nom de cette commune et
plusieurs de ses seigneurs ont pris rang sur les tablettes qui ont transmis
jusqu'à nous leurs aventures et leur bravoure. La légende de la fontaine nous prouve
l'existence de leur château à l'époque des invasions normandes. Sans doute, ce
n'était pas une construction aux formes sveltes et élégantes, aux tourelles
garnies de niches et de festons ; l'art militaire dominait alors et ne
s'amusait pas à orner les donjons. D'ailleurs, les malheurs du temps, les
guerres continuelles et les invasions successives des barbares avaient refoulé
le goût des arts dans les couvents et ne laissaient plus songer au dehors qu'à
la défense et au moyen de se garantir de la fureur et de la rapacité des
envahisseurs. Ces donjons n'étaient encore que des
mottes de terre entourées de fossés profonds et surmontées souvent de
palissades cernant un bâtiment en bois ou quelquefois un petit fort en pierre,
percé de meurtrières. Il ne communiquait au-dehors que par un pont mobile que
les habitants retiraient à eux en cas de danger. Ces châteaux
pouvaient résister momentanément au attaques des maraudeurs qui
n'osaient rester longtemps au même endroit et ne faisaient que passer. Les
Normands renversèrent tous ces faibles obstacles. Après leur passage, il ne
resta plus que ruines et cendres. Les villes se relevèrent comme par
enchantement mais les châteaux restèrent abandonnés jusqu'à des temps meilleurs Camblain vit se redresser son château
cette fois en pierres et sa construction fut aussi solide que son aspect fut
imposant. Ses châtelains étaient nobles et puissants. Ils étaient déjà
possesseurs de la châtellenie de Lens et on citait au loin leur bravoure et
leurs action d'éclat. Ce fut à cette époque qu'un fait
extraordinaire - s'il faut en croire la tradition -vint attirer à Camblain
l'affluence des pèlerins et des malades. Autrefois, son église avait possédé
une relique précieuse de St Quirin, ce prêtre missionnaire qui en compagnie de
St Nicaise, avait souffert le martyre en l'année 95 par ordre du cruel préfet
des Gaules Sillinius et près de On sait le miracle accompli à sa
mort et comment son corps - quoique attaché à une grosse pierre - surnagea
quelque temps au dessus du fleuve dans lequel on l'avait précipité. Plus tard,
ce corps fut transporté à Rome et l'un de bras rapporté en France fut donné à
l'église de Camblain. Mais les barbares avaient renversé cette église enlevé les ornements précieux et le bras du bienheureux
Quirin avait disparu. En vain, après le départ de ces
hordes meurtrières, les habitants sortis de leurs cachettes, cherchèrent-ils
cette relique vénérée ; en vain fouillèrent-ils les ruines de l'église et
celles des maisons voisines ; en vain parcoururent-ils les taillis et les
champs des alentours. Ils ne purent la trouver et, tristes et désolés, ils
revinrent décidés néanmoins à rebâtir leur église veuve de son patron ; le
château lui aussi se releva comme nous l'avons dit. Ce n'était plus une étroite
tour d'accès difficile mais bien vaste et belle construction flanquée de
tourelles et de créneaux et offrant à l'intérieur un agréable séjour et une
vaste habitation. Là s'installèrent - loin du tumulte
des villes - de paisibles et heureuses années. Mais voilà qu'un jour... Quelques
habitants, en allant le matin à la fontaine qui se trouve contre le village,
aperçurent à sa surface un os(sement) humain qui surnageait et qui s'approcha
d'eux au moment où ils puisaient de l'eau. Recueilli par eux, cet os(sement) ne
tarda pas à prouver son origine sacrée car les malades guérissaient à son seul attouchement. Aussi, quand il eut été
constaté que cet os était un humérus, cette partie du corps de St Quirin que
possédaient leurs pères, les habitants ne purent douter plus longtemps de son
identité et ils le portèrent avec pompe et vénération dans le château où il fut
placé avec soin en attendant qu'on put se procurer une châsse, convenable et
digne. Quelques temps après, eut lieu la
translation solennelle de ce don du ciel ; la relique fut placée avec
grande pompe dans la chapelle qu'on lui avait préparée et le peuple, accourut
de loin pour assister à cette fête, se retira
content, édifié et surtout dit-on émerveillé du prodige rapporté par ceux qui
en avaient été témoin. Mais voici que le -lendemain,
la châsse et la relique avaient disparu. En vain, visita-t-on l'église ;
on ne trouva ni trace d'effraction, ni rien qui put révéler par où les
ravisseurs avaient pu s'introduire. La surprise fut plus grande encore quand la
châtelaine, pénétrant dans l'appartement où avait été placée tout d'abord cette
relique, l'y trouva déposée comme avant sa translation et sans qu'on put dire
comment elle y était revenue. Aussitôt, une procession s'organisa pour la
reporter à l'église. Des gardiens y furent placés afin de
prévenir un nouvel enlèvement, mais on eut beau faire la translation
mystérieuse s'opéra de nouveau, sans qu'on s'en aperçût et de guerre lasse, on
fut contraint de céder à la volonté du ciel ; le châtelain s'empressa donc
d'édifier contre le château cette chapelle qui resta debout jusqu'à la
révolution de 93 et qui, par ses tourelles, son pignons et ses ornements en
plein centre, témoignait de son origine romane. La fontaine parut aussi vouloir
donner un témoignage de la sainteté de os(sement) qu'elle avait caché et elle
fut encore longtemps visitée par un grand nombre de pèlerins. Les malades
affluent et l'on raconte des guérisons attribuées à l'efficacité de ses eaux
qui peut-être, tiennent en dissolution des sels minéraux comme plusieurs autres
des environs de Saint-Pol. Après ces événements, Camblain
retomba dans le calme et ses châtelains, souvent occupés à guerroyer sous les
ordres de leurs princes, laissaient dans leur manoir, leurs familles. Mais
Pierre l'Hermite venait de remuer le monde au récit des profanations du tombeau
du sauveur. II avait raconté le massacre des pèlerins catholiques par les
cruels musulmans et les profanations dont le Saint lieu avait été l'objet, et
le monde plein de foi s'était levé à cette lamentation nouvelle. II s'était
enrôlé sous la bannière de la croix et avait juré de délivrer Jérusalem et
d'écraser ses oppresseurs. Gozon, sire de Camblain, avait suivi
cet élan sublime, lui aussi prit la croix et il avait laissé dans son château
sa jeune épouse inconsolable de son départ et un fils tendre objet de leur
mutuelle affection. La pauvre épouse demeura donc seule
avec son enfant dans ce manoir devenu presque désert. Des années s'écoulèrent
sans que Gozon donna signe de vie. Gozon ne reparaissait pas. La pauvre
châtelaine, jeune encore, ne pouvait toujours attendre enfermée chez elle celui
dont la mort paraissait certaine ; aussi finit-elle par sortir de la
longue réserve et, peu à peu, prit elle aussi sa part aux réunions et aux fêtes
organisées aux châteaux voisins. Déjà plusieurs fois elle parut avec éclat à la
cour du comte de Saint-Pol et partout elle avait été fêtée ; aussi
voulut-elle à son tour réunir dans son manoir ceux qui l'avaient si bien reçue.
Une grande fête fut annoncée et pour la rendre digne de la circonstance, la
noble dame convia des musiciens et troubadours, trouvères. La réunion fut
nombreuse et la grande salle du château put a peine contenir autour d'une vaste
table tous ces nobles convives. Vers le milieu avait été dressée une
estrade plus élevée pour les maîtres du manoir et c'est à côté d'un siège vide
destiné à l'époux absent que s'assit la dame de Camblain resplendissante de
beauté et d'élégance. Les mets les plus exquis se succèdent. Mais voilà
qu’apparaît un vase précieux rempli de ce délicieux vin de Chypre, trésor des
tables de nos pères, réservé pour les seigneurs les plus puissants. Alors se remplit et circule la coupe
d'apparat ; le silence se rétablit et un noble convive levant en l'air sa
coupe porte un toast aussitôt couvert d'applaudissements. Aussitôt se lève le sire René de
Villers, page de la comtesse qui propose au comte de Gozon, maître de ces
lieux, boit au bonjour et au bon retour. Mais l'ironie de son visage, le ton sardonique de sa voix font assez comprendre la perfidie de ce toast.
Aussi, personne ne lui répond. Le dîner s'achève ; vinrent les
fêtes et les danses ; la dame fit honneur à son manoir. Elle fut
séduisante et agréable à tous. Les convives se retiraient. La nuit venue, la
dame de Camblain se retira accompagnée d'un personnage qu’on avait trop bien
remarqué pendant le festin, gagna son appartement. Au milieu de la nuit se fit
entendre un bruit étrange qui jeta partout l'épouvante. Quelques cris sourds,
sinistres râlements, vinrent mettre fin à cette scène d'horreur. Un double crime venait d'être
consommé. La dame de Gozon et le sire de Villers avaient péri sous un fer
meurtrier. Cet homme, ce meurtrier, c'était Gozon
lui-même revenu en cachette. On vit s'affaiblir cette belle
intelligence. II devint fou. Dans le délire de son imagination, il se crut
reporté sous les lois et
dans les pays musulmans. II fit raser son château, témoin d'un si grand crime et il fit élever sur
ces ruines ce castel que nous admirions encore il y a peu d'années et, par ses arabesques, ses
formes ogivales et ses statues ornées de turbans. Tous les détails du nouveau château
sont de style gothique dit « troubadour ». Le cliché reproduit
ci-dessus nous le montre tel qu'il était encore en Là Gozon réunit des pauvres filles
qu'il enleva à leurs parents dans les villages soumis à sa puissance et se
forma un harem, témoin des profanations d'un croisé sali par les plus
dégouttantes orgies. Le
malheureux Gozon ne survécut pas longtemps à son double déshonneur. Ainsi se
termina la légende de Gozon, sire de Camblain-Chastelin. Un autre site existe aussi à
Camblain qui mérite une mention particulière et qui, par le nom qu'il porte,
rappelle certaines croyances cette fois superstitieuses en même temps que par
ses assemblées qui s'y tenaient annuellement. II nous reporte à des temps et à
des habitudes bien éloignés de notre époque et bien contraires à nos moeurs. Je
veux parler de la pelouse des fées et du marché aux filles. C'est au bord de la chaussée
romaine, dite « chaussée Brunehaut », qui s'étend d'Arras à
Thérouane, que s'allonge sur une pente raide mais fertile cette vaste prairie
que nos pères avaient dédiée aux fées. C'est là que tous les ans, à la
mi-carême, que se renouvelle un usage bien singulier et bien bizarre pour nous,
sur cette pelouse. En effet, se réunit chaque année à cette époque toute la
jeunesse des alentours et le spectateur voit se dérouler à ses yeux des scènes
parfois bien comiques. Qu'on se figure 400 à 500 jeunes
filles formant de longues files de promeneuses ; toutes viennent se faire
passer en revue par une foule de jeunes campagnards à l'air hardi à la mise
endimanchée faisant leur choix. Bien des mariages découlaient de ces
rencontres. Entre l'église et le château, l'on
voyait un moulin bâti en 1623 qui paraît avoir été l'ancien moulin banal. Il a
été lui aussi rasé vers 1925. Nous rappellerons qu'en 1850 on
découvrit plusieurs sépultures du IVème siècle et que Me Terniuk a cru
reconnaître dans le village des fondations romaines. (Tous droits réservés) |