La Vie des Mines, et des Corons

Diaporama - Images du vieux temps des Mines
Lexique de la Mine
La Race des Mineurs
PAGE PRINCIPALE
Lexique de la Mine
Source Originale

Lycée Michel-Rodange, Luxembourg
AbattageAction de détacher le charbon de la veine
AccrochageLieu où s'accrochent les berlines
AérageAération
BarretteCasque en cuir
BeffroiCharpente supportant les poulies (molettes)de l'ascenseur
BougnouPuisard absorbant le trop-plein des eaux
BrandissageRenforcement de l'étanchéité d'un puits
ChargeursOuvriers (moulineurs)qui chargent les berlines
CoronEnsemble de maisons uniformes où la Compagnie loge les mineurs
CorroiMur d'argile coupant une galerie
CoupeJournée de travail dans la mine
CriblageTriage du charbon
CrosseJeu utilisant une bille de bois
CuffatBenne à remonter le charbon
CulbuteurInstrument faisant basculer un wagonnet pour le vider
CuvelageRevêtement de soutien et d'étanchéité
DucasseGrande fête populaire dans le Nord
FoncerCreuser
GalibotJeune manoeuvre dans les galeries
GoyotBoyau d'aération parallèle au puits
GrisouGaz explosif dans les mines
HaveurOuvrier chargé de l'abattage
HerscheurOuvrier qui pousse les wagonnets
machineurOuvrier du service des machines
MoletteGrosse poulie
Moulineurv.Chargeur
PatardEmpreinte de pas
PichouFuite d'eau
PorionContremaître
RecetteSalle de réception du charbon
RivelainePic à deux pointes
RoulageTransport du charbon du lieu d'abattage au palier d'accrochage
TaillePetite galerie
TerrilColline formée par des déblais
VeineCouche de houille ou de minerai exploitable
VérinAppareil servant à soulever de lourdes charges
La Race des Mineurs
Source Originale

Site Condé-GEM, La Race des Mineurs
Les mineurs. |  Le cuvelage. |  Les éboulements. |  La condition de mineurs. |  La peine de hommes de fond. |  Les chevaux de fond.

Les mineurs.

Voici " les gueules noires ", cette expression traîne toute une mythologie. Au XIX° siècle les médecins ont défini cette race, dans une longue litanie énumérant des traits physiques particuliers. Bien sûr le charbon leur collait à la peau, et même pour ceux qui ne sont jamais descendus au fond d'un puits de mine, nous avons, disent les Parisiens, comme une poussière sur le visage.

Certes notre langue rebute ceux de la capitale, elle leur parait souvent rude, directe, même un peu grasseyante dans ses sonorités, avec des consonnes martelées et fermées. Elle leur parait souvent crue, trop réaliste et sans détours. C'est qu'entre leur langue et la vie même des gens qui la parle se tisse toujours un réseau dense d'influences réciproques et de complicités.

Pour retrouver un peu de la vérité des mineurs, il nous faut retrouver leurs mots, leur vocable, usés comme leurs mains, les yeux, leur dos, leurs pieds et leurs poumons au fond de la fosse.

Il y avait à la mine toute une hiérarchie de spécialités, une hiérarchie curieuse, car plus vous montiez dans la profession, plus vous alliez profondément dans les entrailles de la terre.

Au commencement, jeune encore on devenait galibot.

L'origine du mot est incertaine, pour les uns galibot vient de carriébot, charrieur de bois, pour d'autres probablement de galibier = polisson mot déformé de galobier = gaillard se livrant à la galoberie, c'est à dire à la galoberie, c'est à dire à la débauche. Le galibot, par sa petite taille suscitait souvent, parmi les hommes les plaisanteries et en retour il ne se privait pas de se moquer des adultes.

De galibot on devenait " r'leveux-à-tierre " celui qui remet les terres au remblai.

Quand, après galibot, j'ai té r'léveux-à-terre,

" T'peux dire : adieu au bon temps ! " m'a crié m'vieux brav'père.

Inl'ver des lourds caillaux, ch'étot dur pou des p'tits.

C'pénip'traval est fait pa des homm's aujord'hui.

Puis " frinteux " chargé de freiner la poulie du plan incliné.

Ensuite " déballeux d'balles " c'est à dire celui qui sort les wagonnets ( balles) de la cage. Le dévalleux de balles, quant à lui, transférait dans un plan incliné les balles d'un étage supérieur à l'étage inférieur.

Puis, on m'a mis freinteux ; insuit', déballeux d'balles,

J'décag'tos les berlin's d'un long treuil à huit talles.

J'n'étos point fort pou fair' cheull' bésonne aisémint ;

L'Gaucher, l' raccommodeux, v'not m'assister souvint.

A quinze ans, on pouvait déjà être " hiercheux ". Hiercher : c'est au premier sens herser, mais à la fosse ce mot veut dire pousser les wagonnets.

Infin, l'bon vieux Gaucher, quand j'ai quinze ans à peine,

I m'fait nommer hiercheux pour grossir mes quinzaines.

Ch'est un ouvrach bin dur, j'ai des grèl's bras d'infant

Comme'des sommiers d' guéïole et des gamp's à l'av'nant.

Enfin à dix-huit ans, on peut " ouvrer à la veine " c'est à dire devenir haveur, c'est celui qui entame le charbon dans la veine. L'outil utilisé pour ce travail s'appelle un " haviau " mot d'origine FRANC qui signifie " houe "

Il y a au fond encore une quantité d'autres spécialistes.

Le bowetteux, qui creuse les tunnels, un bove, en ancien français c'est une excavation. On voit ainsi que le vocabulaire employé par les mineurs a de vieilles origines.

Eun bowett, cht'un tunnel qu'in creuse

A même el roc, à travers banc

Dins l'foss, cha forme eun vout'spacieuse

Eun'maîtress voi' dressée au plan.

Le " bout-au feu " est chargé des explosions et surveille l'apparition éventuelle du grisou. Il y a aussi " l'méneu d'quevaux " et l'raccomodeux, souvent un ouvrier âgé, car ce sont des travaux moins durs que ceux du chantier de taille. Le raccomodeux est surtout chargé de l'entretien des bois d'étayage.

Il y a enfin " l' marissiau " ou maréchal-ferrant ; marissiau et maréchal sont un seul et même mot, francique à l'origine, qui désignait un domestique chargé de soigner les chevaux.

Autre réparateur de la mine, les " l'aiguiseux d'ot(h)ieux ". Les othieux, ce sont les outils ; il s'agit là encore d'un seul et même mot, venant du latin ustilium ; otieu se disait d'un maladroit ou d'un imbécile, par la même image qui fait dire de quelqu'un en français standard : " c'est un manche ".

Parmi les othieux du mineur, nous citerons la " rivelaine " c'est un pic plat deux pointes utilisées par les haveurs. Rivelaine est un mot wallon passé en français au XVIII° siècle ; ce n'est pas à proprement parler un mot patois de notre région.

La batrouille était une barre de fer servant au forage des trous de mine.

L'escoupe vient du néerlandais schope : pelle, c'était une large pelle utilisée pour charger le charbon dans les balles (wagonnets).

" Les mineurs, entre le marteau piqueur et le coron, entre les risques d'accidents et ceux de la silicose, vivent le pire des métiers... Cependant, ils se révoltent lorsqu'il est question de fermer un puits. Ce qui signifie que, en cas de licenciement, l'avenir que la collectivité leur offre est encore pire que leur situation du moment.

.J. Servan Schreibert.

A partir des années 1965, l'exploitation du charbon traverse sur le plan économique une triste période entre deux âges d 'or ; l'une derrière lui, le XIX° siècle et l'autre devant lui le XXI° siècle.

Pour notre pays, traditionnellement importateur d'énergie, le XIX° siècle du charbon triomphant est toutefois un âge relativement ingrat, bien qu'il importe en moyenne le tiers du charbon qu'il consomme. Les compagnies du Nord font des bénéfices surtout, dès les années 1860, alors qu'elles devancent leurs rivaux de la Loire et du Centre.

Pour atteindre ce but, la Compagnie d'Anzin a dû recruter, puis stabiliser et enfin s'attacher la main d'œuvre essentielle à une industrie reposant sur l'emploi de nombreux personnel.

Le puits de mine est un lieu de travail.

Le coron, puis la cité le cadre de vie.

La coopérative, le centre d'achats.

Ces divers éléments étant très imbriqués, l'emprise de la Compagnie est forcément très lourde...

C'est la compagnies PROVIDENCE.

Même sur le plan idéologique, elle s'affirme en suscitant une image mythique du mineur de fond. Les ouvriers de la fosse effectuent chaque jour dans les ténèbres du fond un métier de légende, si l'attrait de la mine a été longuement décrit peut-on affirmer que la vie minérale attire sans limite l'être voué à la mort minérale ? On a pu prétendre que la descente dans le sein de la terre est un symbole agissant sur l'inconscient.

Ces travailleurs transmettaient jusqu'à la fin du XX° siècle une image d'hommes forts, courageux, infatigables et, de génération en génération, à leurs fils l'amour d'un métier dangereux, mais combien exaltant, compte tenu des conditions des travailleurs d'autres conditions avec un espoir de progrès social plus rapide. Sur une carte de la mortalité infantile, critère essentiel de ce progrès, établie pour le canton de Condé dès la fin du XIX° siècle on voit alors le taux nettement inférieur à ceux des cantons textiles de ROUBAIX-TOURCOING et même ceux des cantons ruraux des FLANDRES et de l'AVESNOIS, avant la longue baisse qui s'est amorcée au début du XX° siècle. Il est évident que cette situation est due en grande partie à la supériorité de l'habitat et à l'encadrement médical fournis par la Compagnie.

Pendant des millénaires durant lesquels pour deux enfants (un sur deux, froide comptabilité de la vie en ces temps là !) qui venaient agrandir la communauté, on n'en voyait, par conséquent grandir qu'un.

Peut-on mesurer à quel point ces drames quotidiens ont pu imprégner les mentalités de nos ancêtres ? Avant les vaccins de PASTEUR et les antibiotiques, garder un enfant sur deux était un exploit et le voir passer son dixième anniversaire une promesse.

Avant les XVIII° et XIX° siècles, l'histoire de la vie privée en nos régions ne parait être qu'une suite de résignations. La FLANDRE avait connu une épidémie de dysenterie terrifiante en 1779. -Le médecin CAILLE, dans son rapport présenté à la société Royale en 1870, précise qu'elle a dévasté des cantons entiers. Elle a décimé les enfants de moins de dix ans qui représentaient la moitié des victimes. Cette catastrophe fut rangée dans les mémoires au même rang douloureux que les grandes pestes ou que le choléra en 1832.

Si les conditions de vie se montraient tout spécialement cruelles pour les enfants, elles peuvent paraître lointaines à nos yeux, parce que les hommes n'y obéissaient pas aux mêmes usages que nous et subissaient encore de plein fouet les lois sans appel d'une nature non maîtrisée. Pourtant, quelques générations à peine nous en séparent. Ce qui semble évident comme l'hygiène, la salubrité publique ou la prévention en matière de santé est un gain vieux de quelques dizaines d'années seulement.

Par leur travail pénible et dangereux, accompli sous terre, par leur nombre, leur corporatisme et leur taux élevé, à cette époque, de syndicalisation, les mineurs occupent partout une place essentielle dans le mouvement et l'imaginaire ouvrier.

Durant la première moitié du XIX° siècle, les mouvements populaires choisissent très souvent une femme aux seins nus pour symbole, comme la " LIBERTÉ guidant le peuple " de DELACROIX. Mais ensuite, au début du XX° siècle, c'est l'homme au torse nu qui incarne les luttes ouvrières. A la femme symbole de joie et de source de vie s'est substitué un symbole de force physique qui affronte la mort.

Quel homme, quel métier, mieux que le mineur, incarne-t-il cette image.

Comment la Compagnie d'ANZIN retient-elle son personnel indispensable à son industrie ? Tout d'abord grâce aux avantages offerts, emplois sûrs, à partir du XIX° siècle, des salaires plus élevés que dans la métallurgie et l'agriculture. Le logement décent, d'abord en coron (il convient de préciser qu'à Vieux-Condé les corons furent peu nombreux). CORON est un mot d'origine Wallonne, il vient de AKORON qui signifie "jusqu'au bout " il désigne une rangée de maisons individuelles toutes identiques et accolées les unes aux autres ( coron BENEZECH). Ces corons du XIX° siècle, propriétés de la Compagnie étaient très appréciés par les ouvriers mineurs, qui en avaient fait les lieux de la convivialité et de l'identité de leur métier. Ce mot se retrouve également chez les drapiers pour qui ce mot désigne un bout d'étoffe coupé à une pièce dans le sens de la longueur. Les écoles, le médecin, les secours, les retraites sont inconnues pour beaucoup d'autres travailleurs.

Mais aussi du fait que les mineurs ont fait les leurs les valeurs prônées par la Compagnie ; on est très souvent heureux et très fier d'aller " al fosse " et d'intégrer un monde particulier et viril.

" Les femmes de mineurs sont femmes de seigneurs ".

Les enfants, traditionnellement doivent " rapporter " à leurs parents avant de fonder une famille. Même les conséquences du danger et les blessures sont exorcisées :

" Un bon mineur voit son sang tous les jours ".

Dès les années 1880, les organisations syndicales s'amorcent dans le Nord de la France, leur argument est très simple mais combien efficace :

" Syndique-te... Pourquoi ? Te s'ras mieux ".

A ce moment la conception même des corons destinés à stabiliser et garder la main d'œuvre, se retourne contre la Compagnie. Ces corons deviennent des lieux où la communauté et surtout l'identité ouvrière se structurent. Les " estaminets sont le creuset d'une société érigée souvent contre le modèle suscité par la Compagnie. (ESTAMINET est un mot d'origine flamande: pour engager les passants à entrer et à consommer, on leur disait STA MYN HEER ( arrêter vous monsieur) ce qui signifiait, vu le ton aimable et tout à fait engageant dont ces mots étaient prononcés : venez vous reposer, vous rafraîchir, monsieur, vous trouverez ici d'excellentes bières.

Pour ne pas répéter la phrase trop souvent, on prit le parti de l'écrire sur l'enseigne de l'établissement. Les gens du pays disaient lorsqu'ils voulaient se réunir entre amis " allons au sta myn heer. staminet).

Il faut toutefois éviter de tomber dans le misérabilisme en évoquant la vie des mineurs. Or ce métier est resté pénible malgré tant de progrès constants et d'améliorations dans les techniques.

Pour les mineurs du XX° siècle, le béguin, la barrette de cuir noir, le " jupon " arrivant aux genoux, la lampe même apparaissent comme des curiosités et font parfois figure de légende.

Or, ce métier combien difficile et pénible, n'a jamais été fait par des gens tristes. Le carbonnier malgré le rude effort de chaque jour semblait doté d'un optimisme indéracinable.

" Nous brairons quand i s'ra temps d'braire ".

Le rôle de la chanson a joué non seulement dans les loisirs, mais aussi dans les revendications sociales et politiques.

 

En même temps que se développe l'extraction du charbon, des sociétés musicales et chorales renommées apparaissent et aussi des cabarets où l'on organisait des spectacles de café concert et des soirées ( société du coron vert). Avec les activités sportives = le jeu de balle, cholette, tir à l'arc ou à l'arbalète.

Jules MOUSSERON participe à cet essor culturel. Dans ses œuvres il sut montrer le caractère joyeux de ses compagnons de travail tout autant que les rigueurs de leur tâche, leurs peines, leurs souffrances et leurs drames.

Le Cuvelage à travers les âges

La traversée des morts-terrains aquifères fut la préoccupation essentielle des pionniers de l’époque héroïque, car ils étaient bien loin d’avoir à leur disposition l’expérience et les procédés qu’ils découvriront par la suite du temps. Beaucoup plus tard viendra la mise en œuvre de procédés de plus en plus modernes de cimentation et surtout d’injection, ces procédés permettront de foncer sans cuvelage des puits de diamètre de plus en plus grand avec divers revêtements et des monolithes en béton également en utilisant la fonte.

L’utilisation du cuvelage qui tient une place si importante et si large dans l’histoire du puits de mine est sans doute aussi ancienne que l’extraction du charbon. Le cuvelage primitif qui fut utilisé dans les anciennes fosses du Borinage avait un faible diamètre, il s’agissait surtout de maintenir les terrains plus ou moins imprégnés d’eau. Les morts terrains étaient, dans ces régions, peu importants. Par contre chez nous, le cuvelage avait à traverser les sables gorgés d’eau " boulant" ou la craie aquifère.

Le cuvelage était alors constitué par des pièces de bois, des grosses planches plus ou moins équarries qui étaient assemblées verticalement à la façon des douves d’une cuve, d’où l’origine du mot cuvelage.

C’est JACQUES MATHIEU venant de Gilly ( près de Charleroi) qui apporta cette technique pratiquée dans cette région.

Ce cuvelage ne permit pas toujours de traverser les morts-terrains aquifères de Vieux-Condé et sans avoir souvent atteint le houiller de nombreux puits furent abandonnés à faible profondeur.

Mais rapidement, grâce à l’invention du fils de JACQUES MATHIEU, PIERRE, qui aidait son père dans la conduite des travaux, les nouveaux puits furent nantis d’un cuvelage horizontal de dix à douze cm d’épaisseur formant un carré de six pieds de côté dont l’inventeur avait expérimenté l’efficacité. La paternité de cette belle invention, qui allait changer la face des choses et permettre la réussite des nombreuses avaleresses effectuées dans le bassin de Vieux-Condé et d’Anzin, fut très disputée.

Dans un mémoire qu’elle présenta en 1790 à l’Assemblée Constituante, lors de la discussion de la loi sur les Mines et dans lequel MIRABEAU puisa l’essentiel du discours demeuré célèbre qu’il prononça une dizaine de jours avant sa mort, la COMPAGNIE D'ANZIN se l’attribuait sans mentionner ni la date ni l’auteur.

De son côté le Vicomte DESANDROUINS l’avait aussi inscrite à son actif dans ses "  observations sur l’exploitation locale" : "dans les autres exploitations, dit-il, la forme du cuvelage est ordinairement ronde. Mais le Vicomte DESANDROUINS a éprouvé que la forme carrée est plus solide". Cette opinion est reprise par MORAND : "Communément la forme de cet ouvrage est ronde, mais le Vicomte DESANDROUINS prétend que le cuvelage carré est plus solide".  ( Art d’exploiter les Mines, 1757-1774.)

LEONARD MATHIEU, d’abord émigré, qui fut officier des Mines de la République

( liste de l’An III) et à ce titre chargé de rétablir les exploitations d’ANZIN détruites par les Autrichiens, n’en revendiqua pas moins pour son père ( PIERRE MATHIEU) l’invention du cuvelage.

L’ordonnance royale qui l’anoblit à la veille de la révolution en mars 1789 trancha dans ce sens ; elle proclame que PIERRE MATHIEU " inventa le cuvelage ".

ADOLPHE CASTIAU, petit-fils de PAUL CASTIAU, le pionnier deVieux-Condé, opinait lui aussi dans ce sens.

GRARD, qui englobe dans la même reconnaissance tous les artisans présumés de cette découverte, estime qu’elle est bien l’œuvre de la COMPAGNIE D'ANZIN toute entière qui les groupait tous en son sein.

Il convient toutefois de préciser que LEONARD MATHIEU ne dit pas que son père inventa le cuvelage, mais " le cuvelage avec picotage ". C’est bien là en effet que réside l’invention ; car il est bien certain que le cuvelage primitif du Borinage ne pouvait s’opposer à l’infiltration des eaux, aussi jointifs fussent-ils ces "bois à arêtes vives" dont parle M. d’ARGENSON ( arrêt du 8 juillet 1720). Seul le picotage, qui comblait tous les vides existant derrière les pièces de bois et les reliait solidement au terrain par des coins enfoncés à refus, pouvait assurer l’étanchéité du cuvelage, complété plus tard par le "brondissage". Le picotage permettait d’obtenir des puits parfaitement secs.

Par la suite le cuvelage carré cher au Vicomte DESANDROUINS vit la"longueur de  ses côtés progressivement augmentée".

Toutefois, ils ne dépassèrent jamais 2m.30 et la plupart des puits de Vieux-Condé eurent des cuvelages de forme carrée dont les côtés variaient entre 1m.90 et 1m.96. Il est difficile de déceler si les puits conservaient la forme carrée jusqu’au fond, car nous trouvons des puits relativement récents pour lesquels il est écrit textuellement qu’ils étaient de forme carrée ". Cependant le puits de Vieille-Machine dont le cuvelage d’origine était de forme carrée avait, dans le houiller, la forme cylindrique qui est familière.

Il semble donc que la plupart des puits possédaient sous le cuvelage carré un revêtement en maçonnerie de forme cylindrique. Le diamètre intérieur était égal à l’hypoténuse du carré constituant le cuvelage. L’épaisseur de la maçonnerie variait de 0m.24 à 0m.48.

Tous les puits ouverts jusqu’en 1816 eurent un cuvelage de ce type à l’exception d’Hergnies, qui constitua probablement le banc d’essai d’une nouvelle formule. Le cuvelage de ce puits, ouvert en 1806, avait la forme d’un octogone inscrit dans un cercle de 2m.38 de diamètre dont la conception serait due à GUILLAUME CASTIAU.

La fosse La Cave à Anzin, ouverte en 1816, puis celle Outre Wez , ouverte en 1817, reçurent également le cuvelage de forme octogonale qui devint la règle par la suite. Cette forme de cuvelage permit de porter le diamètre de la partie maçonnée à 3m.25. Un autre CASTIAU, dont on ignore le prénom, perfectionna cette forme en 1829 et porta à dix le nombre des côtés du cuvelage.

Lorsqu’en 1853, le diamètre des puits fut porté à quatre mètres, le nombre des côtés du cuvelage augmenta encore. Il fut transformé en un polygone de seize côtés qui pratiquement épousait la forme circulaire du puits. Pour augmenter sa résistance aux pressions, l’épaisseur des éléments de la partie inférieure fut portée à 0m.24 dans les puits à forte venue d’eaux.

Le diamètre des puits creusés entre 1873 et 1880 fut porté à 4m.25. Puis, par raison d’économie, on ne creusa qu’un seul puits par fosse, puits qui servait à la fois à l’extraction et à l’aérage. De ce fait, un goyot devait y être aménagé, ce qui réduisait d’autant la section utilisable pour l’extraction. C’est pourquoi les puits creusés à partir de 1884 eurent un diamètre de 4m.50. Ces variations de diamètre n’entraînèrent pas de modification dans la forme du cuvelage qui avec ses seize côtés s’était insensiblement rapproché du cercle.

Toutefois, la réfection du cuvelage de Vieille-Machine fut effectuée en 1890 suivant un polygone de douze côtés. A partir de cette époque, la tête des cuvelages est en fonte afin d’éviter la détérioration rapide, et l’entretien onéreux du tronçon soumis aux fluctuations saisonnières du niveau des eaux. Puis vinrent les cuvelages tout en fonte dont sont munis tous les puits de cinq mètres ouverts depuis 1890. Le puits n°1 de Crespin, foncé en 1881 avec trousse coupante par le procédé KIND CHAUDRON faisait figure de précurseur, mais il n’avait que 3m.65 de diamètre. La plupart des puits anciens parvenus à la fermeture de la concession furent"chemisés", c’est à dire qu’ils reçurent un cuvelage en fonte à l’intérieur de l’ancien cuvelage en bois. Pour en finir avec ces "quelques explications", rappelons une curiosité citée par J. LECLERCQ : le cuvelage en pierre de forme cylindrique qui en 1856 remplaça le cuvelage en bois de forme carrée dans le puits de la fosse SAINT-MARTIN.

Se protéger des éboulements des terrains

Le premier soin du mineur, quand il a creusé une portion de galerie ou abattu une partie de la veine de charbon, est d’assurer la sécurité des lieux en étayant les terrains de façon à se mettre à l’abri, à empêcher les chutes éventuelles de blocs de pierres ou de charbon, et permettre le passage des hommes, de l’air et du matériel. Cette opération de soutènement s’appelle le " boisage " parce que, pendant très longtemps, le bois a été le matériau utilisé pour effectuer ce genre de travail, avant que le fer, avec les cadres métalliques et les étançons, ne prennent le relais.

Utilisé comme bille, bois de fond ou de voie, chandelle, chapeau, châssis, cougnet, esclimbe, longeon, pilot, poussart, queue, rallonge, semelle... Le bois exige souvent une savante découpe comme le prouve sur la gravure ci-dessous le spectaculaire soutènement " anglé " de la voie que seuls les mineurs confirmés réalisaient à la perfection.

Le bois le plus souvent employé était le sapin, parce que sous la pression, avant de céder il " craque " prévenant avant de casser.

L’approvisionnement des fosses en bois de mine est une opération importante, elle consiste a tout ce qui concerne les achats des bois, la répartition des livraisons, le contrôle et la comptabilité des réceptions, des utilisations. Les marchés traités en 1957 représentaient un volume de 122.000 m3 pour une dépense approximative de 75 MILLIONS de francs. Il faut rechercher la fourniture normale et régulière des parcs en fonctions des besoins des divers carreaux de fosse ainsi que des possibilités saisonnières et économiques du marché local ou étranger.

La manutention des bois de mine sur les parcs a suivi le développement des techniques ; en 1955 l’équipe chargée de ce travail à la fosse CH.LEDOUX se composait de : Marcelot Maurice, Bronsart Georges, Delbauffe Joseph, Leleux André et .... le cheval " Avril ".

Divers éléments de mesure du boisage, au fond, utilisés par les mineurs.

 

Les ouvriers du fond prenaient leurs mesures de différentes manières, sans utiliser un mètre, mais avec ce qu’ils avaient sous la main et avec elle.

Avec le pic = 70 centimètres.

La hache de 45 à 50 centimètres.

Deux queues = 1,20 à 1,80 m.

La coudée, c’est la longueur de l’extrémité de la main jusqu’au coude.

La poignée de pouces : c’est la somme des quatre doigts joints serrés et le pouce tendu = 15 centimètres.

Une main = les quatre doigts ou la largeur de la paume de la main = 10 centimètres.

Une grande main = du bout de l’annulaire au bout du pouce quand ils sont écartés = environ 22 centimètres.

 

L’bos d’foss servant l’pluss dins eun’mine

Ch’est l’sapin rouge, qui s’cop’si bin

In taillant, cha sint bon l’résine

D’duss qué té viens, biau bos d’sapin ?

La fosse CH.LEDOUX

en 1957

Le cheval AVRIL et

ses ....compagnons

...de travail...........

Conditions des Mineurs

LE SALAIRE DES MINEURS

ET LES METHODES

DE DETERMINATION CATEGORIELLE

 

 

Diverses catégories d'ouvriers

 

Dans une exploitation minière, le personnel constitue un ensemble complexe dans lequel on doit distinguer :

* Les ouvriers du jour.

* Les ouvriers du fond .

* Les employés administratifs.

Les ouvriers travaillant aujour, c'est à dire à la surface, représentent en général un peu moins du tiers de l'effectif total.

Ils comprennent :

· les mécaniciens des machines d'extraction

· les ouvriers du moulinage (le personnel chargé de la manutention des berlines ou wagonnets)

· les ouvriers du criblage

· les ouvriers du triage (pour la plupart des jeunes garçons ou des jeunes filles)

· le personnel des lampisteries

· les ouvriers des ateliers d'entretien (ajusteur, forgeron, mécanicien, soudeur etc...)

· le personnel chargé de l'expédition des charbons.

Les ouvriers de fond sont les plus nombreux. Ils représentent généralement les deux tiers de l'effectif total, et parmi eux, une catégorie particulièrement importante, celle des ouvriers à l'abattage. Ces ouvriers qui, dans les tailles ou chantiers, abattent le charbon de la veine, travail qui se faisait d'abord au pic jusqu'en 1914, puis le pic a été remplacé par le marteau piqueur pneumatique à partir de 1920 environ.

Des ouvriers sont aussi chargés de certains travaux accessoires, comme le boisage des chantiers et même parfois par le remblayage. Leur effectif est de l'ordre de la moitié du personnel occupé au fond. L'autre moitié est constituée par les "hiercheurs " chargés de la manutention des berlines dans les galeries.

Vient ensuite le personnel spécialisé dans la traction et le déplacement des berlines au fond, autrefois les conducteurs de chevaux "el meneu d'kévau " puis, avec l'arrivée de la mécanisation, les conducteurs des tracteurs, les remblayeurs, les boiseurs, les machinistes de plans inclinés, les boutefeux, chargés de tirer les

 

mines et de mettre en œuvre les explosifs, les accrocheurs (aux abords du puits ils introduisent les berlines dans les cages), le personnel d'about (chargé de l'entretien du puits, des câbles de descente et de la remonte des cages), les bowetteurs (occupés au percement des galeries au rocher), etc...

On voit par conséquent, que le terme de mineur désigne de nombreuses catégories d'ouvriers.

Toutefois l'appellation de mineur proprement dite est réservée à l'ouvrier d'abattage du charbon.

Après 1945, on voit apparaître une mécanisation progressive des chantiers et en général des matériels qui transforment entièrement l'aspect de l'exploitation de la houille.

MODES DE PAIEMENT

Traditionnellement les diverses catégories de salariés étaient rémunérées par quinzaine. Toutefois, en ce qui concerne les ouvriers du jour, ceux-ci étaient généralement payés à la journée de travail, ainsi que certaines catégories secondaires d'ouvriers du fond, pour qui le travail ne se prête pas à une rémunération aux pièces. La plupart des ouvriers à l'abattage ont toujours été payés à la tâche, le plus souvent à la berline. Alors que pour les ouvriers au rocher, l'unité de tâche était le mètre d'avancement dans la galerie.

Ces catégories d'ouvriers représentent à peu près le tiers de l'effectif total du fond et du jour. C'est d'eux que dépend directement la production. Les autres ne font que manutentionner les produits provenant des chantiers, ou bien ils sont occupés à divers travaux d'entretien ou encore de préparation.

MODE HABITUEL DE PAIEMENT DES OUVRIERS A L'ABATTAGE

Depuis l'origine, le mode de rémunération de paiement à la tâche des mineurs à l'abattage n'a pas changé dans son principe. L'unité de tâche a toujours été le moyen d'évacuation du charbon à partir du chantier du fond, le tonneau, puis la berline qui est un wagonnet, dont la charge a varié depuis 50 kg jusqu'à la demi-tonne et fut même portée jusqu'à 3 tonnes.

Le charbon étant chargé en berlines à la sortie des chantiers, ou tailles, ce qu'on compte c'est donc la production réalisée par l'ensemble des ouvriers occupés dans une taille. Le paiement est ainsi un paiement collectif d'équipe.

Pendant les dernières années d'exploitation, cette règle du paiement par équipe a souvent été remplacée par celle du paiement individuel : car, l'évolution des méthodes d'exploitation ayant conduit progressivement au remplacement des courtes tailles, occupant 3 ou 4 ouvriers, par des longues tailles, où sont occupés jusqu'à une trentaine de mineurs, on a reconnu que le paiement par équipe pouvait présenter certains inconvénients.

Le prix de la berline de charbon, qui sert d'unité de tâche, est fixé pour chaque chantier, après discussion avec les ouvriers, par la surveillance (c'est à dire les porions et le chef porion), sous le contrôle de l'ingénieur de la fosse. Ce prix peut varier dans de très larges limites selon les conditions locales. Il peut arriver en effet que, dans une veine mince et dure, les ouvriers d'une taille, si on suppose qu'ils sont chargés, en plus de l'abattage du charbon, du boisage et du remblayage du chantier, ne produisent, en déployant un effort normal, que 4 berlines de charbon par homme et par poste de travail, à l'opposé il y a des cas de veine puissante, peu dure, où les ouvriers, déchargés du soin d'effectuer le remblayage, ce travail étant fait par une autre équipe, peuvent produire par exemple 32 berlines de charbon par homme et par poste de travail.

Pour arriver à procurer aux ouvriers de ces deux types de chantiers si différents des gains comparables, il fallait que dans le deuxième cas le prix de la berline soit huit fois moins élevé que dans le premier. Le prix des tâches est donc fixé d'après la difficulté du travail en fonction de la dureté du charbon, de l'épaisseur de la veine, etc... de telle façon que les ouvriers, en déployant un effort normal, puissent "gagner leur journée ", c'est à dire parvenir au gain journalier considéré comme normal.

Comme les conditions locales varient, non seulement d'une taille à une autre, mais encore pour une même taille au fur et à mesure de sa progression, les prix "à la berline " doivent être modifiés fréquemment. Il est inutile de dire que cette fixation des prix, à la berline, est la source de discussions sans fin entre les ouvriers, d'une part, et les surveillants et ingénieurs d'autre part.

A l'intérieur d'une équipe le salaire est réparti entre les ouvriers proportionnellement à des coefficients caractérisant leur "classe ", c'est à dire en fait leur ancienneté. Les classes sont affectées des coefficients huit, huit, cinq ; neuf, trois ; et dix ; c'est à dire que les ouvriers des classes correspondantes gagnent respectivement 80/100, les 85/100 et les 93/100 du salaire attribué aux ouvriers de la classe 10 qui font partie de la même équipe. On peut dire également que la répartition est mesuré en fonction de leur rendement.

SALAIRE CONVENTIONNEL ET

SALAIRE MINIMUM

Les conventions collectives de salaires sont très anciennes dans les mines de la compagnie d'Anzin. La première convention date de 1889, elle est donc postérieure de cinq ans à la loi sur les syndicats professionnels. La principale stipulation des conventions de salaires a été, dès le début, la fixation d'un "salaire conventionnel " de l'ouvrier à l'abattage. La convention mise en vigueur en 1889, par exemple, précisait que le salaire journalier conventionnel de l'ouvrier "à la base 10 " était fixé à 5fr28, c'est à dire 4fr28, plus 10% de prime.

Cela ne signifie pas du tout que les ouvriers soient payés à la journée, au taux fixe de 5fr28 par jour ; le paiement à la tâche subsiste, mais la convention oblige les compagnies minières à fixer les prix de tâche de telle façon que, pour l'ensemble d'une exploitation, la moyenne des salaires journaliers des ouvriers à base 10 soit toujours au moins égale à 5fr28.

Cette notion du salaire conventionnel a été maintenue constamment. Les conventions successives en ont seulement modifié le taux. Beaucoup plus tard, en 1919, est apparue dans les conventions de salaires la notion de salaire minimum. Le salaire minimum est le salaire garanti que la compagnie doit obligatoirement payer à l'ouvrier à l'abattage, même si le calcul de son salaire à la tâche donne un résultat plus faible.

Fixé tout d'abord aux 9/10e du salaire conventionnel, le salaire minimum a évolué, dans les conventions successives, de façon à s'en rapprocher sans cesse : depuis la convention du 10 juin 1936, il n'est plus inférieur que de 3% au salaire conventionnel.

FONCTIONNEMENT DU SYSTEME

 

 

 

 

 

Ce qui précède montre que le système classique de paiement des ouvriers à l'abattage, en raison de la variabilité des prix de berline, et de l'existence d'un salaire conventionnel et d'un salaire minimum, est plus complexe que le simple paiement à la tâche qu'on rencontre dans beaucoup d'industries où le prix de tâche est fixé une fois pour toutes ou, tout au moins, pour une longue période, et où le salaire est tout simplement proportionnel à la tâche accomplie.

PAIEMENT INDIVIDUEL

La méthode traditionnelle de calcul des salaires implique que tous les ouvriers mineurs occupés dans une même taille soient payés ensemble, puisque c'est seulement la production globale de l'équipe qui est comptée, en berlines de charbon, et non la production de chaque ouvrier isolément. Le développement des longues tailles, entraînant l'augmentation du nombre des ouvriers groupés dans une même équipe, a conduit les compagnies à chercher à se libérer de cette règle : il est certain en effet que le paiement individuel, qui garantit à l'ouvrier dépendant directement de la production réalisée par lui, est de nature à lui faire produire son effort maximum.

Dans le paiement par équipe, au contraire, l'ouvrier peut être tenté de ne pas se fatiguer outre mesure car il sait que son gain, déterminé par la production de l'ensemble de l'équipe, ne sera pas sensiblement diminué s'il réduit son effort ; et de son côté l'ouvrier peut être retenu de donner tout son effort par l'idée de l'accroissement de production qui peut en résulter, noyé dans la production de l'ensemble de l'équipe, ne procurera pas grand chose comme gain supplémentaire.

Avec de petites équipes, comme celles de courtes tailles des premiers temps, ces inconvénients n'apparaissaient pas, car les trois ou quatre ouvriers d'une taille, se connaissaient bien, souvent membres de la même famille, étaient parfaitement solidaires ; mais avec le développement des longues tailles, occupant dix, vingt, et même bien plus d'ouvriers, il est impossible que l'esprit d'équipe "familial " subsiste chez tous, et le rendement s'en trouve affecté.

C'est à partir de 1931, à un moment où en raison de la crise économique il était indispensable d'accroître le plus possible le rendement, qu'a été substitué le paiement individuel au paiement par équipe.

La seule difficulté à résoudre pour pouvoir appliquer cette modification du mode de paiement était l'évaluation de la production réalisée par chaque ouvrier. On y est parvenu en mesurant sur place, au chantier, à la fin de chaque poste, la surface de veine déhouillée par chaque ouvrier ; on mesure aussi la puissance de la veine ; un calcul simple donne alors le nombre de berlines de charbon produites par l'ouvrier.

Le paiement individuel représente le premier pas dans le sens de l'établissement d'un rapport direct entre le salaire et l'effort développé par l'ouvrier.

En effet, tant que l'on conserve comme unité de tâche la berline de charbon, dont le prix est fixé, comme on l'a vu par tâtonnement, par des discussions et, en tout cas, bien peu objectivement, on arrive en pratique à payer le même labeur à des prix assez différents selon les circonstances, d'un chantier à un autre, mais encore pour un même chantier.

Pour établir une méthode objective, précise et sûre, permettant de mesurer dans chaque cas à quel effort dépensé correspond la production d'une berline de charbon, et conduisant ainsi à proportionner exactement le prix de berline à l'effort correspondant.

La compagnie va utiliser une nouvelle méthode de mesure du travail appelé "système BEDAUX ". Cette méthode imaginée par M. BEDAUX peut être considérée comme le prototype des modes de paiement basés sur la mesure du travail humain.

La mise en pratique des méthodes de paiement basée sur la mesure du travail a été éphémère. C'est en effet après 1931 que la compagnie a introduit le salaire individuel dans certaines fosses, les chronométrages et les systèmes de paiement du type BEDAUX. Mais cinq ans après, la convention des salaires conclue à la suite des grèves de juin 1936 a stipulé la suppression des chronométrages et du paiement individuel, le retour pur et simple au mode de paiement traditionnel.

La peine des hommes du fond

Dans la mine les quatre éléments de base ne s'y retrouvent pas pour faire le bonheur des hommes, mais pour le détruire totalement.

L'EAU souvent rafraîchit. A la fosse le flot est menaçant et emporte tout.

Le FEU éclaire. A la fosse il y a l'explosion à laquelle rien ne résiste.

L'AIR donne la vie. A la fosse il peut être le poison irrespirable.

La TERRE nourrit. A la fosse il y a l'inéluctable ensevelissement.

Mais il y a aussi la vivante présence des chevaux, avec leur bonne odeur d'écurie qui évoque les belles pâtures vertes.

Il y a aussi la présence des souris du fond qui filent sous les pieds du mineur ou qu'il surprend en train de fureter dans sa mallette à la recherche de pain; petites bêtes qui sont aussi des compagnes de solitude:

Au fond de l' fosse, t' cri li rappelle

el' jour et l' gazoul' mint de l'osiau.

<

J. Mousseron

Les mineurs se méfient d'elles. Ils prennent bien soin d'accrocher leur "briquet" assez haut pour qu'il ne soit pas grignoté; toutefois ils "oublient "souvent une croûte après avoir mangé, pour que les souris puissent survivre.

La présence des souris est aussi rassurante. Elle signifie au moins que là où elles se trouvent, il n'y a pas de "puteux", gaz mortel qui a surpris plus d'un mineur, et que le terrain est bien stable. Ces animaux "sentent" les mouvements de la terre bien mieux que l'homme. Si, habituellement, dans une taille les souris étaient nombreuses à l'arrivée du poste du matin, les ouvriers pouvaient être rassurés de leur présence.

Mais hélas, il faut aussi compter avec les odeurs: la puanteur du goudron, de l'aloès, du coton mouillé, de l'huile des lampes, de la sueur des corps souillés, de l'urine et des excréments lâchés n'importe où... Le sol noir jonché de longs crachats noirs, gluants, sous les pieds nus. Le plafond tout proche, rude et parfois meurtrier.

Et puis il y a le travail lui-même, un métier qui ne favorise pas l'engraissement, car il arrive souvent que l'ouvrier à la veine tombe sur une taille de trente ou de quarante degrés de pendage, une "oblique" sur laquelle il ne peut progresser qu'en se glissa sur le dos, la lampe aux dents. Reptation et glissade, les genoux touchant le menton: c'est le lot fréquent du "haveur" qui, dans une chaleur de fournaise, travaille torse nu, et à qui il arrivera souvent de ramener chez lui des "loques d' fosse" déchirées, un pantalon sans fond.

Treize heures trente: " l' clochette sonne la r' monte". De la bowette où il besogne, le mineur, transformé en bloc vivant de charbon, se dirige vers l'accrochage où le maître-porion tire le quintuple signal "à la grosse viande" appelant ainsi la cage qui, vingt par vingt, va lancer, en deux minutes, les mineurs vers le soleil, la recette et la lampisterie où ils déposent leur lampe et reprennent leurs sabots.

Puis, de cette démarche pesante, à mouvements lents, qui de loin fait reconnaître le carbonnier, il regagne avec son fils, le galibot, le coron ou la cité où, ils abandonnent un à un leurs voisins et leurs compagnons de travail avant de franchir le seuil de "l' cahute" où les accueille l'odeur familière de la soupe, du "rata" ou ragoût de mouton et aussi le chant de l'eau qui bout pour le grand nettoyage des travailleurs: les hommes et les filles, celles-ci commencent les premières.

Sans honte, chacun se débarrasse tranquillement de ses "loques d' fosse", entre nu dans la moitié de tonneau transformé en baquet et s'enduisant de savon noir, de ce savon qui jaunit les cheveux dit-on, se racle énergiquement des deux poings, la ménagère joignant ses efforts à ceux des travailleurs.

Avant 1900, les douches n'existaient pas à la fosse. En rentrant chez lui, le mineur faisait sa toilette dans ce qu'il appelait une "cuvelle".

Ensuite ils passent à table où ils dévorent en silence un repas arrosé de cette bière dont le mineur use et même souvent abuse (en 1900, chaque habitant en boit en moyenne trois cent trente litres par an), comme s'il cherchait à noyer la poussière qui, éternellement, lui gratte le fond de la gorge et allume ses poumons. C'est l'heure où, à la mine, descend le second poste -la coupe à terre- chargé des travaux de remblai, de réparation et de préparation des grosses besognes.

Le repas pris, l'homme repu s'endort pendant que sa femme l'entretient des menues nouvelles du voisinage, de ses "bergnioulles et de ses "rattaqu' ris". Réveillé, il allume "sin toubac dins s'n boraine" et à moins qu'il n'aille "fouir es' gardin", il s'installe "à croucrou" sur une chaise, à l'abri d'un mur ou sur le pas de sa porte, à l'heure où la marmaille, sortie des écoles, se roule dans la poussière et où, des maisons toutes pareilles, se répand dans la rue l'odeur rancie de l'oignon frit, élément obligé du rata, du souper pris à sept heures juste avant le coucher.

Les chevaux du fond

Dans les mines les chevaux furent tout d'abord utilisés au jour sur le "carreau". Ils étaient le "moteur" du seul moyen de transport, avec la voie fluviale.

Sur le carreau, depuis le XVI° siècle, les chevaux sont attelés aux manèges pour l'exhaure de l'eau, et un peu plus tard, pour la remontée du charbon au tonneau. Ils sont attelés à un système qui comporte un ou plusieurs tambours autour desquels s'enroulent et se déroulent les cordes de chanvre autorisant la remontée des tonneaux.

A Vieux-Condé, le cheval arrive dans les galeries de roulage souterraines vers le milieu du XIX° siècle. A ce moment, il est exclusivement affecté à la traction des trains, généralement composés d'une dizaine de berlines. Avant sa descente au fond, le roulage était assuré par des mineurs, les "hercheurs", qui poussaient chaque berline depuis le front de taille jusqu'aux puits d'extraction. Mais bien entendu, une partie des chevaux reste employée au jour pour le transport.

Ce n'est qu'au lendemain de le seconde guerre mondiale que les événements historiques et surtout les améliorations apportées aux systèmes de traction par les différents types de locomotives vont remettre en cause la rentabilité des chevaux de mine.

Ces chevaux, souvent de puissants ardennais, étaient descendus, castrés, à l'âge de quatre ou cinq ans.

Mais comment opère-t-on pour descendre un cheval dans une fosse? La descente par le puits est particulièrement difficile, à moins que la cage ne soit suffisamment grande; ce qui n'est pas le cas au siècle précédent. Sinon on emploie un fort filet de sangles ou des courroies dont on enveloppe le cheval en le faisant coucher des quatre pieds sur un lit de paille. On suspend ensuite l'animal au câble sous la cage et on le descend dans une situation verticale, assis sur sa croupe et les jambes repliées. Ordinairement cette manoeuvre s'opère facilement, car, paralysé par la peur, l'animal ne fait aucun mouvement. Dès qu'il sent le sol manquer sous lui, il reste stupéfié, l'œil agrandi et fixe; son effroi est même si grand qu'on le croirait mort lorsqu'il arrive en bas. A l'accrochage dans la galerie, le cheval reprend peu à peu ses sens, se remet de ses émotions et rapidement il s'adapte à ce milieu exceptionnel. Cependant il arrive parfois qu'un cheval se refuse à cette adaptation; il ne reste plus alors qu'à le remonter.

En tous cas ceux qui sont dressés se meuvent parfaitement dans cette éternelle obscurité. Vite habituées à leur nouveau métier, ces intelligentes bêtes savent reconnaître leur parcours à fond, évitant les points dangereux, baissant la tête devant les bois qui menacent de tomber, s'arrêtant aux portes d'aérage, à certaine distance, afin de laisser au conducteur ou au gamin qui veille, l'espace nécessaire pour l'ouverture de la porte, ou, quand c'est un vieux serviteur qui a de nombreuses années de service, il passe en poussant la porte de lui-même. Les chevaux évitent avec beaucoup de soin, dans les garages, les rencontres des trains. Il arrive que ces excellentes bêtes aident leur conducteur avec leur poitrail et leurs genoux.

En général, ces auxiliaires de l'homme, ces "mineurs à quatre pattes" étaient soignés comme ils le méritaient. Leur écurie était vaste et bien aérée, et la litière y était souvent renouvelée. Leur nourriture, d'excellente qualité, se composait de sept à dix kilos d'avoine mélassée par jour avec un ratelier garni de bon foin. Si nous visitons cette écurie souterraine à l'heure où les chevaux mangent, nous voyons qu'ils sont là paisibles et heureux, dans une température toujours constante. Qui sait, après tout, s'ils ne préféraient pas le séjour dans cette atmosphère peu variable à celui des rues des villes ou des routes des campagnes, par le soleil ou le vent, la pluie ou la neige. Aussi dans ce milieu, ils devenaient gras et dodus, et leur poil s'allongeait et reluisait.

Cette grande écurie pouvait, dans certaine fosse, contenir une trentaine de chevaux dont une vingtaine travaillaient au poste du matin uniquement, les autres étaient employés au poste de l'après-midi pour le transport du matériel ou des berlines de terre. Certains étaient au repos.

A l'arrivée des conducteurs au poste du matin, les chevaux s'ébrouaient, l'écurie s'éveillait. Chaque cheval avait son nom inscrit sur une plaque au mur avec son numéro matricule; la première lettre du nom donnait l'âge de l'animal.

Le cheval, comme le mineur, avait son harnachement propre: collier, barrette de protection du front, oeillères et divers éléments pour protéger ses flancs éventuellement.

Lorsque le "méneu-d' quévau" rejoignait son compagnon de travail, il lui parlait en patois, lui donnait quelques caresses sur l'encolure. Dés que le cheval avait reconnu sa voix, le contact était pris, le couple était reformé pour une journée de travail. Généralement, les chevaux n'acceptaient pas de travailler avec n'importe quel ouvrier. Au départ, ils reçoivaient un sucre, une pomme, une tartine, une orange etc.

Les chevaux bien nourris n'étaient pas maltraités. Ils paraissaient "humaniser" la fosse. En outre, un garde d'écurie assurait une permanence près des chevaux qui ne travaillaient pas le dimanche ni les jours fériés.

Sans doute l'introduction du cheval dans la mine, comme moyen de traction, marquait déjà un progrès; mais après le cheval, c'est la locomotive qui est descendue au fond de la fosse, et même successivement des moteurs électriques puis différents types de diesel. Il semble que peu à peu, les progrès accomplis à la surface de la terre devaient refluer vers ses entrailles. Mais le plus grand progrès apporté à la traction mécanique est certainement dû à l'usage de l'électricité.

Au fond, le cheval n'était pas le seul animal; les souris étaient nombreuses. Elles étaient descendues avec le fourrage, c'est pourquoi il y avait souvent, à l'écurie un autre compagnon du garde: un ou plusieurs chats. Ces félidés faisaient non seulement la chasse aux souris dans les écuries, mais ils tenaient également "compagnie" aux chevaux.

L' quévau du fond.

Tout au long dé s' quémin, in marchant par routine

Est-ç' qui rêve à l'av'nir qui pourrot bin avoir?

Est-ç' qui vot dins li-mêm chu qué l' sort li destine

Quand i s'in va tiêt basse, au mitan dé' s' couloir.

Le gardien d'écurie: il soignait

abreuvait, nourrissait les chevaux et

veillait à la propreté des litières.

Ej sus blessé au bras. Pour éviter le chômache,

In m' plach' méneu-d' quévau du côté d' laccrochache.

J' conduis un biau qu' vau blanc qui porte el nom d' Rogué,

Malin comme un qu' vau d' cirque et bon comm' du pain d' blé.

C' bonn' biêt' travalle à l' foss d' pus l' comminch' mint d' sa vie

Ch'est li l'infant gâté d' tous les qu' vaux d' l'écurie.

Dins les momints d' arpos, à l'appel d'un gamin,

Rogué va suivr' l'infant, heureux comm' un bon tchien.

Au briquet, chaqu' matin, quand ej minge em tartine,

J' sins catouiller su m' cou l'air tiède ed ses narines:

Ch'est not malin Rogué qui allonge es tiêt' vers mi

Pour r' clamer l' pain qué m' mère all' m' a donné pour li.

I sait, avec es tiête, ouverre eun' port' fermée,

Et si in met à tierre eun' lamp' seule, alleumée,

Il arrête es train d' berline, il arnifell' d'effroi,

In busiant qu' ch' est un homme' kaïu pa d' vant l' convoi.

Jules Mousseron

 

 

 

 

Alors qu'il était jeune mineur, Marcel Tessier raconte.

"En ce lendemain de sainte Barbe, il manquait beaucoup de monde au poste du matin. Le porion vint me chercher à mon travail habituel et me dit:

- Viens, té va méner l' quevau.

- Mais, je ne l'ai jamais fait.

- C'est facile, Ch' père y marche tout seu.

Ch' père, c'était bien sûr le nom du cheval. Notre travail consistait à Ch' père et à moi à parcourir la bowette à l'étage 200, et à recueillir les berlines pleines pour les mener à l'accrochage, et au retour à ramener les berlines vides.

Ch' père attendait quelques instants, le temps que l'on accrochât les berlines. Au compte de dix, il démarrait sans attendre l'ordre.

-Vraiment ce cheval "marchait"tout seul.-

A l'heure du briquet, je rejoignais mes camarades de chantier pour faire briquet avec Ch' père. Je savais que le méneu de quévau de Ch' père avait toujours dans sa mallette une orange qu'il épluchait et, posant sa barrette au sol, il y plaçait les épluchures que Ch' père mangeait comme dessert après son picotin. Comme j'avais aussi une orange, je fis de même.

Mes camarades disaient que j'avais été adopté, sans trop de manière par le cheval.

A la reprise, ce fut une surprise. Ch' père ne bougeait pas. Un ancien me glissa à l'oreille:" si ti ne li donne point es chique, té cor là demain". Je lui donnai donc une chique, mais Ch' père ne bougeait toujours pas. Car son méneu habituel lui donnait bien une chique mais trempée dans du rhum, un camarade vint à mon aide et.............. Ch' père démarra gaillardement!!!."

Des histoires de chevaux, les vieux mineurs pouvaient en raconter pendant des heures, et les plaisanteries étaient courantes.

Casimir Suchanceki raconte.

"Un jour, el méneu d' quévau Charles confiait à son cheval: "Min vas faire briquet avec mes camarades! Surtout bouge point min garchon!"

Comme il aimait beaucoup son compagnon, il l'avait abrité du courant d'air et du froid dans une petite voie en cul de sac. Quelques instants plus tard, deux de ses cousins ôtaient au cheval son collier à grelots et lui faisaient remonter la bowette, puis ils le cachaient dans un recoin bien au chaud, à quelques cinquante mètres de là.

- In m'a volé min quévau! In m'a volé min quévau! entendit-on quelques minutes plus tard.

De retour de briquet, Charles n'avait pas retrouvé son compagnon. Abasourdi et effrayé, il entendait maintenant un bruit de grelots, puis il entendit un bruit de galop au-dessus de sa tête.

- M'in qu' vau i' est monté in haut du treuil; j' l'ai intindu.

En effet, un des cousins imitait le bruit du cheval en frappant le sol et l'autre agitait les grelots.

Le temps que le porion alerté par Charles parvienne sur place, les cousins avaient reconduit le cheval au pied de la bowette, et lui avaient remis son collier, pendant que celui-ci mâchonnait tranquillement son picotin.

Et le brave Charles embrassa son quévau de contentement d'avoir retrouvé son fidèle compagnon, et lui dit: "Té pourra ét vanter d' m'avoir foutu in belle frousse ti!"

Le Social, la Coopérative

LE STATUT DES OUVRIERS MINEURS

AUX 18° ET 19 ° SIECLES

 

 

En préambule, il faut rappeler que les premiers ouvriers mineurs, et leurs familles, viennent de la région de GILLY, CHARLEROI et qu'ils furent amenés par les premiers exploitants J.DESANDROUINS et J.MATHIEU. Après un premier contingent de cinquante familles, ils furent progressivement renforcés, selon les besoins, par d'autres ouvriers venus du Borinage voisin. Un recrutement très actif se poursuivit assez longtemps dans le Hainaut, sans jamais cesser complètement. Cette main-d'œuvre déjà formée et spécialisée servit à encadrer le recrutement local : c'est ainsi, qu'un type original d'ouvriers se modela, dont on remarque tout d'abord l'attachement héréditaire au métier, avec un fort accroissement démographique

Après 1850, les qualités du recrutement se trouvèrent modifiées par l'embauche pour industries nouvelles venues s'installer dans la région. Après 1900, tandis que la politique charbonnière s'était engagée dans une stratégie nouvelle et une production en constante augmentation, apparut une véritable pénurie de main-d'œuvre qui ne devait plus cesser. C'est tout d'abord la Belgique qui fournit le complément. Puis après la première guerre mondiale, on fit massivement appel aux Polonais, venus pour la plupart de la Rhur, aux Italiens, et après la seconde guerre mondiale aux Marocains. Au moment de la constitution de la compagnie d'Anzin la question sociale et dans un sens plus étroit la question ouvrière, ne se posait pas, comme elle allait se poser. Jusqu'en 1848, et sous l'ancien régime, le monde du travail ne connut qu'une organisation, celle des corporations.

Les privilèges des corporations furent abolis par la Constituante mais, sur la proposition de Le Chapelier, elle maintint les vieilles ordonnances de police qui interdisaient aux ouvriers de s'associer, de se coaliser, et de faire grève. Cette même réglementation subsista pendant le consulat et l'Empire, et après la Restauration.

La liberté syndicale ne fut reconnue qu'après la Révolution de 1848. Mais elle devait être à nouveau supprimée par un décret du 25 mars 1852.

Le délit de coalition fut abrogé en 1864 mais la reconnaissance du droit syndical fut l'œuvre de la loi du 21 mars 1884. La réglementation du travail ainsi que la législation " sociale " subirent une évolution sensiblement parallèle et très lente jusqu'à la fin du 19e siècle : une journée de 11 heures en 1848. Un rapport de 1891 précise que le travail intérieur se fait généralement à deux postes : le poste du matin ou coupe à charbon, et le poste de nuit, ou coupe à terre. La descente du poste du matin doit être terminée vers 5 heures du matin, les ligneurs peuvent descendre à partir de 3 heures. La remonte est facultative à partir de 14 heures... En général les ouvriers ont une présence au fond de 10 heures... le travail effectif du mineur proprement dite dure 8 heures 55 mn.. Journée de 10 heures en 1900, journée de 8 heures en 1919, loi sur les accidents du travail en 1898, sur le repos hebdomadaire en 1906, sur la prévention des accidents du travail en 1913, et sur les congés payés en 1936...

Cependant, les mineurs bénéficient longtemps d'un régime de protection, et d'un régime de prévoyance en avance sur ceux des autres travailleurs. L'administration française exerça une surveillance sérieuse, sous tous les régimes, ce contrôle fut complété le 8 juillet 1890 par l'institution de Délégués à la Sécurité des ouvriers mineurs.

Pour attirer et fixer les ouvriers, divers avantages furent consentis par la compagnie d'Anzin. Le plus ancien règlement de prévoyance date de 1812. Il instituait des pensions pour les ouvriers de plus de 60 ans, leurs veuves, les victimes d'accidents et leur famille, dans des conditions d'attribution extrêmement draconiennes. Mais il existait, avant cette date, un certain nombre de pratiques non formellement codifiées. Ces institutions, malgré divers aménagements ultérieurs, restèrent caractérisées par un défaut fondamental d'insécurité contre lequel ne cessèrent de s'élever les mineurs.

La loi du 29 juin 1894 sur le rapport de CUVINOT vint établir un régime officiel de prévoyance pour les mineurs. Avant 1896, c'est la compagnie qui finançait entièrement le service des pensions de retraite, qu'elle accordait à ses personnels en complément des salaires versés : c'est à dire sans effectuer de retenues.

A partir de 1887, la compagnie versait à une caisse Nationale des retraites pour la vieillesse, une somme représentant 1,50% du salaire et l'ouvrier effectuait un versement de même valeur.

Une loi de 1894, impose un montant de 2% à verser pour chacune des parties, en échange ce montant devenait la propriété de l'ouvrier au moyen duquel, il obtenait à l'âge de 55 ans la liquidation d'une pension viagère. Le versement de la compagnie était à capital aliéné et ce, au profit exclusif du mineur. Par contre les versements effectués par l'ouvrier étaient soit à capital aliéné ou à capital réservé. Ces divers versements devaient profiter par moitié à l'épouse, s'il était marié.

En 1900, à titre d'exemple, un ouvrier, entré au service de la compagnie à 14 ans, s'il avait travaillé jusqu'à l'âge de 55 ans sans interruption pouvait prétendre à une pension d'environ 600 frs par an.

A cette époque, en moyenne un ouvrier mineur employé à l'abattage gagnait 5frs par jour soit 120frs par mois, à titre indicatif le traitement d'un instituteur variait entre 90 et 100frs par mois. Le salaire moyen des ouvriers de la métallurgie était de 100frs mensuels.

- La production moyenne par ouvrier mineur était de 721kg

- Le nombre moyen de jour de travail par an était de 286 jours, c'est à dire un peu moins de 24 jours par mois.

Les ouvriers qui retournaient à la mine, après leur service militaire voyaient cette période prise en considération par la compagnie. Celle-ci inscrivait au compte des pensions une somme représentant la part des versements qu'elle aurait effectués à son profit s'il avait continué son service sans l'interruption du service militaire.

Les pensions des veuves d'ouvriers tués ou morts des suites de blessures reçues au travail étaient fixées par la loi du 9 avril 1898, c'est à dire qu'elles comprenaient la rente à liquider par la caisse de vieillesse, une prime dite de long service et une allocation de 180 frs ainsi qu'un secours annuel renouvelable de même importance. Des secours temporaires étaient accordés jusqu'à l'âge où les orphelins pouvaient commencer à travailler. Mais la véritable charte fut la loi du 25 février 1914, sur le projet de Casimir Bartuel, portant création d'une Caisse Autonome des ouvriers mineurs, en avance de quelque trente années sur les autres professions. L'origine de ces avantages et de cette " sollicitude " des pouvoirs publics peût être trouvée dans un certain nombre de circonstances.

LOI DU 2 NOVEMBRE 1892

Extraits

" Le travail des enfants, des filles mineures et des femmes dans les mines, minières et carrières, chantiers, et de leurs dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou privés, laïques ou religieux, même lorsque ces établissements ont un caractère d'enseignement professionnel ou de bienfaisance, est soumis aux obligations déterminées par la présente loi....

n Toutes les dispositions de la présente loi s'appliquent aux étrangers travaillant dans les établissements ci-dessus désignés....

n Les enfants ne peuvent être employés par les patrons, ni être admis dans les établissements énumérés dans l'article premier avant l'âge de 13 ans révolus....

n Aucun enfant âgé de moins de 13 ans ne pourra être admis au travail dans les établissements ci-dessus visés, s'il n'est muni d'un certificat d'aptitude physique délivré, à titre gratuit, par l'un des médecins chargé de la surveillance du premier âge ou l'un des médecins inspecteur des écoles....

n Les inspecteurs du travail pourront toujours requérir un examen médical de tous les enfants au-dessous de 16 ans, déjà admis dans les établissements sus visés, à l'effet de constater si le travail dont ils sont chargés excède leurs forces....

n Dans ce cas les inspecteurs auront le droit d'exiger leur renvoi de l'établissement sur l'avis conforme de l'un des médecins désignés au paragraphe trois du présent article....

n Les enfants de l'un ou l'autre sexe âgés de moins de 16 ans ne peuvent être employés à un travail effectif de plus de dix heures par jour....

n Les jeunes ouvriers et ouvrières de 16 à 18 ans ne peuvent être employés à un travail effectif de plus de onze heures par jour. Les heures de travail ci-dessus indiquées seront coupées par un ou plusieurs repos dont la durée totale ne pourra être inférieure à une heure pendant lesquelles le travail sera interdit....

TRAVAIL DE NUIT----REPOS HEBDOMADAIRE.

 

· Les enfants âgés de moins de 18 ans, les filles mineures et les femmes ne peuvent être employés à aucun travail de nuit dans les établissements énumérés à l'article premier.

· Tout travail entre neuf heures du soir et cinq heures du matin est considéré comme travail de nuit ; toutefois le travail sera autorisé de quatre heures du matin à dix heures du soir quand il sera réparti entre deux postes d'ouvriers ne travaillant pas plus de neuf heures chacun.

· Les enfants âgés de moins de 18 ans et les femmes de tout âge ne peuvent être employés dans les établissements énumérés à l'article premier plus de six jours par semaine, ni les jours de fête reconnus par la loi, même pour rangement d'atelier.

TRAVAUX SOUTERRAINS

Les filles et les femmes ne peuvent être admises dans les travaux souterrains des mines, minières et carrières.

Des règlements d'administration publique détermineront les conditions spéciales du travail des enfants de 13 à 18 ans du sexe masculin dans les travaux souterrains ci-dessus visés.

Dans les mines spécialement désignées par des règlements d'administration publique comme exigeant, en raison de leurs conditions naturelles, une dérogation aux prescriptions du paragraphe 2 de l'article quatre, ces règlements pourront permettre le travail des enfants à partir de quatre heures du matin et jusqu'à minuit sous condition expresse que les enfants ne soient pas assujettis à plus de huit heures de travail effectif ni à plus de dix heures de présence dans la mine par vingt-quatre heures.

SURVEILLANCE DES ENFANTS

Les maires sont tenus de délivrer gratuitement aux père, mère, tuteur ou patron, un livret sur lequel sont portés les nom et prénoms des enfants des deux sexes âgés de moins de 18 ans , la date, le lieu de leur naissance et leur domicile. Si l'enfant a moins de 13 ans, le livret devra mentionner qu'il est muni d'un certificat d'études primaires institué par la loi du 28 mars 1882. Les chefs d'industrie ou patrons inscriront sur le livret la date de l'entrée dans l'atelier et celle de la sortie. Ils devront également tenir un registre sur lequel seront mentionnés toutes les indications insérés au présent article.

HYGIENE ET SECURITE DES TRAVAILLEURS

Les femmes, les filles et les enfants ne peuvent être employés dans des établissements insalubres ou dangereux, où l'ouvrier est exposé à des manipulations où à des émanations préjudiciables à sa santé, que, sous les conditions spéciales déterminés par des règlements d'administration publique pour chacune de ces catégories de travailleurs.

-REMARQUES-

L'intérêt longtemps porté par l'état à l'exploitation des richesses souterraines nationales, le sentiment de propriété plus ou moins ouvertement manifesté à leur égard, les responsabilités logiques qui en résultaient, et en particulier le souci de valoriser la profession et de créer des conditions susceptibles de favoriser le recrutement et d'améliorer le climat social ; la coïncidence, dans une certaine mesure, entre les positions de l'état et de l'intérêt de la compagnie. Les dangers du métier, son incommodité, le caractère catastrophique de certains désastres miniers, ainsi que les répercussions qui en étaient résultées sur l'opinion et les pouvoirs publics, le groupement des populations, très tôt réalisé autour des puits d'extraction, qui avait facilité l'union des mineurs et l'unité des revendications et assuré très vite l'ampleur des mouvements sociaux.

Cependant, au moment même où sortait la loi du 21 mars 1884, le syndicalisme ouvrier, jusque là sans existence légale, disparaissait pratiquement dans les sièges de la compagnie d'Anzin après l'échec de la grève dite " GERMINAL " que les mineurs avaient menée du 21 février au 17 avril 1884, principalement à Denain, (les puits de l'établissement de Vieux-Condé ne participèrent pas à ce mouvement). Il ne devait renaître que dans les toutes dernières années du 19e siècle.

Sans entrer ici dans les péripéties ou l'étude des luttes sociales qui opposèrent les ouvriers mineurs à la compagnie d'Anzin, on remarquera que les premiers événements notables datent de la grève de juillet 1846, et les incidents très limités de 1833.

Par la suite, et au moins jusqu'en 1914, les historiens du syndicalisme sont unanismes à contester que le développement du syndicalisme fut plus tardif et plus lent que dans d'autres professions ou d'autres régions, et que l'action des ouvriers mineurs porta la marque d'une sorte de " tempérament régional " fait surtout de modération, entrecoupée d'accès de violence.

DISTRIBUTION D'UNE ALLOCATION

GRATUITE DE CHARBON

 

 

- C'est en 1899, pour les familles de moins de 6 personnes, qu'une quantité de charbon est accordée. Elle consiste en 7 quintaux de combustible dit " menu ". Cette attribution pouvait être augmentée dans deux cas : pour les familles de plus de 6 personnes et en cas de maladie.

- Cette attribution sera modifiée par décrêt N° 46 1433 du 14 juin 1946.

LA SOCIETE DE SECOURS MUTUELS

Le roi Louis XI avait ordonné aux exploitants des mines de constituer une trésorerie pour " aider les pauvres mineurs blessés " Henri IV renforce cette disposition favorable et plus tard, Napoléon 1e fit de même. En l'an IV, la compagnie des mines d'Anzin crée une institution d'assistance originale. Dès 1848 les ouvriers, parfois aidés par la compagnie fondent une mutuelle.

En 1883, 98% des ouvriers sont adhérents au système. Une loi de 1894 stipulait les conditions prescrites pour le fonctionnement. Les malades et les blessés recevaient une allocation de un franc par jour. Toutefois dès 1892, le conseil de la compagnie avait octroyé une somme égale au dividende d'un demi-denier allouée chaque année à la société de secours. Depuis 1899 un service de santé était constitué dans la circonscription de Vieux-Condé. Un médecin donnait gratuitement les soins aux ouvriers blessés ou malades, ainsi qu'à leur famille.

Un dépôt de médicaments existait dans chaque circonscription. La distribution des médicaments préparés par une pharmacie centrale se faisait tous les jours.

 


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