AVANT PROPOS

“Tous les pays sont beaux, du moment qu’ils sont nôtres, et il est bon que chacun fasse estime particulière de celui qui le nourrit”

-- George Sand.

Dans tout domaine, la recherche est animée par une sainte curiosité dont les investigations poussent, parfois à côté du point tout d’abord fixé et amènent le chercheur à des découvertes qui n’intéressent pas en premier chef, le but de ses travaux mais lui ouvrent d’autres voies, ou lui laissent entrevoir d’autres horizons.

En écrivant un monographie locale, l’on se propose de s’intéresser uniquement à un seul lieu, mais la vie du centre choisi est tellement en corrélation, en union même, avec celle des centres voisins que l’on découvre, suite aux recherches d’archives et de bibliographie, des faits qui, sans intéresser vos travaux primitifs, méritent d’être retenus. Avec la manie paperassière des gens qui fréquentent les grimoires, l’on classe, avec méthode, les papiers s’y rapportant, dans des cartons qui s’enflent, s’enflent si bien, qu’un jour ils attirent plus fortement votre attention et, se penchant sur le plus ventru, l’on s’aperçoit qu’il renferme assez d’éléments pour instruire la question dont il contient déjà la plupart des fondements.

C’est ainsi que le carton de Marles-les-Mines attira nos regards et dès 1937 nous résolûmes de consacrer nos recherches à une étude approfondie sur le passé de cette commune.

L’Etranger que les nécessités de la vie fixent dans nos régions les trouve, en général, dépourvues de toute beauté. Nous est-il possible d’être d’accord avec lui? Sans chauvinisme de clocher, nous répondrons par un NON formel. De nombreuses raisons militent dans notre esprit pour que nous les apercevions avec d’autres yeux que les siens. Tout d’abord elles sont nôtres et cela signifiGe que nous les connaissons, non pas de façon superficielle, mais profonde, dans leur moindres détails. Combien de fois les avons-nous parcourues durant notre prime jeunesse et avons-nous découvert de multiples particularités qui leur sont propres, échappant à première vue, et qui nous les ont fait mieux aimer. De plus, les souvenirs de nos grands parents aidant, des sites et des faits, aujourd’hui disparus, donnent pour nous à tel coin de nos paysages une figure auréolée d’effluves de la terre ancestrale que l’Etranger ne peut voir ni sentir. Certes l’industrie dévorante a bouleversé la physionomie de nos villages et les besoins, toujours plus nombreux, de l’énorme activité minière que les englobe ne peuvent, hélas, tenir compte de leur aspect, de leur figure. L’installation des sièges miniers et des grouillantes cités, a tôt fait de faire disparaître la poésie terrienne de nos communes qui, les documents anciens nous le prouvent, devaient posséder autrement ce visage champêtre que l’on rencontre encore, de nos jours, à de nombreux villages de l’arrondissement St-Pol demeurés à la physionomie agreste et primitive. Il est certain que Marles, non encore Marles-les-Mines, avec les bois qui verdissaient sur ses coteaux, ses prés, ses cultures, ses viviers, ses moulins chantant dans la riante vallée de la Clarence était, elle aussi, entourée d’une symphonie pastorale que l’Etranger aurait certainement su admirer et entendre. Aujourd’hui demandons-lui simplement, comme le recommande George Sand, qu’il fasse estime particulière de la terre qui le nourrit et en nourrit tant d’autres avec lui. Nous, et c’est avec une tendresse filiale que nous les vénérons et nous serions heureux et payé de nos peines si cette modeste étude avait pour don de raffermir chez le lecteur l’amour de sa terre natale en lui rappelant que l’amour de son clocher est le commencement de l’amour de notre cher pays.

Sous ce titre: “Etude historique sur Marles-les-Mines”, est présentée l’histoire d’une commune artésienne qu’au début du XIX° siècle, ne comptait encore que 442 habitants alors qu’aujourd’hui, en plein XX°, ce chiffre est passé à 11.249.

Cette augmentation considérable démontre, éloquemment, que l’acte capital de la vie ce cette agglomération, de ses origines à nos jours, s’est déroulé, durant les deux siècles précités. Mais avant cette époque, elle avait déjà quelques centaines d’années d’existence et le rôle efface qu’elle joua pendant ces temps n’avait tenté, jusqu’à l’heure présente, la plume d’historiens locaux.

Des auteurs provinciaux, dans des ouvrages intéressant l’Artois, la mentionnent ou la citent: HARBAVILLE dans son MÉMORIAL HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU PAS-DE-CALAIS lui consacrent quelques lignes; le DICTIONNAIRE HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE DU PAS-DE-CALAIS lui consacrent quelques pages, les plus sérieuses qui existent; un texte manuscrit anonyme, que possède le desservant de la paroisse, et qui fut reproduit dans le bulletin paroissial intitulé: “L’écho de Marles-les-Mines” numéros de Novembre, Décembre 1911 et Janvier 1912, en est la copie quelque peu augmentée; enfin un ouvrage d’une valeur exceptionnelle: Les ARCHIVES DE LA MAISON DE BEAULAINCOURT, par MM. RODIÉRE et LA CHARIE, ouvrage qui a servi de base à plusieurs chapitres de notre travail, nous donne des renseignements solides pour l’étude de la seigneurie principale de Marles qui appartint à cette famille dès le XVII° siècle. Pour la période moderne, les nombreuses études consacrées au bassin minier, nous parlent, de façon générale de la découverte de la houille. Mais, aucun ouvrage complet n’existait sur Marles et, en somme, l’histoire de cette commune était encore à écrire. Grâce aux ouvrages mentionnés plus haut, et que l’on a mis à profit, des pistes furent indiquées au chercheur et lui facilitèrent la tâche. Toutes les sources n’avaient pas été épuisées et il en existaient d’autres, tant dans les archives départementales, que communales.

Cette étude est le résultat de nos recherches. Nous n’avons pas l’ambition d’avoir ressoudé tous les maillons de la chaîne du passé mais nous espérons avoir fait revivre, en divers temps, divers aspects de la vie marlésienne.

Tous les documents qui ont servi à la rédaction de cet ouvrage ne sont pas tous relatifs à Marles même, des emprunts, parfois assez larges, à l’histoire du comté d’Artois ont été faits. L’on a voulu faire comprendre au lecteur la répercussion sur nos villages de l’histoire de la province, dont les faits principaux, ayant pour lieu de théâtre, les limites étroites de notre province faisaient ressentir, assez profondément, leurs contrecoups à nos régions. D’autre part, le souci que possèdent à l’heure actuelle les autorités académiques, d’initier les enfants à l’histoire locale nous a incité à écrire aussi pour que les jeunes cerveaux soient captivés par sa lecture, d’où la présentation de ce travail sous la forme d’un récit qui, débarrassé de nos notions abstraites et philosophiques, sera assimilable, nous l’espérons, par grands et petits.

Voilà donc le travail qu’aujourd’hui nous vous présentons, ouvrage intitulé étude et que l’on aurait pu aussi qualifier d’essai, car en histoire, comme d’en bien d’autres domaines rien ne déclaré parfait et notre seule ambition est d’avoir défriché plus profondément qu’il ne l’avait été jusqu’à ce jour, un terrain presque vierge; la charrue qui nous a servi, offre ses mancherons à qui veut les prendre …..

On se rend compte à l’heure présente que le moindre village a droit au souvenir et l’on peut croire que toutes les études comme celle-ci, d’intérêt purement local, ont une valeur nationale que leur acquièrent, les liens qu’elles renouent entre les aïeux et leurs descendants et là, où la “terre se meurt”, elles deviennent des attaches puissantes au rôle important. Grâce à Dieu, ce n’est pas le cas pour l’Artois où les histoires locales rappellent que cette terre riche et féconde fut bien des fois meurtrie et que les sacrifices et la sueur de nos pères nous la rendent très chère.

En conclusion, comme un historien provincial (1) termine la présentation de son travail, nous vous répéterons avec lui: “Ignorer l’histoire du lieu qu’on habite, où l’on a un toit, où l’on exerce des droits, c’est ne jouir qu’imparfaitement de ce lieu. L’ignorance du passé n’ôte pas seulement un prix à ce qui ne subsiste matériellement des siècles, elle en détache la plus simple vénération; elle n’est pas seulement misérable, elle peut être funeste.”(2)

Jean Ratel
de la Commission Départementale
des Monuments historiques

(1) Prarond: Abbeville avant la Guerre de Cent ans.

(2) Je devrais, ici, remercier feu M. Félix Destoppeleire, Secrétaire général de la Mairie de Marles-les-Mines pour l’obligeance qu’il avait eue à mon égard lorsque je fus dans l’obligation de compulser les archives communales. J’étais à mille lieux de songer qu’un jour, assez proche, je lui succéderais au Secrétariat de la Mairie. Je veux donc aujourd’hui, adresser à sa mémoire, un hommage mérité.

Debut du Livre