CHAPITRE PREMIER

LES ORIGINES

Affirmer connaître les origines, le fait historique qui détermina l’existence de Marles serait faire preuve de présomption. Chacun sait que les temps très reculés n’ont pas laissé beaucoup de traces. Néanmoins il est certain que durant la période préhistorique la vallée de la Clarence fut habitée ainsi qu’en témoignent diverses découvertes, faites le long de son cours, d’outils de silex des premiers âges.

En se basant sur l’histoire générale de notre province ainsi que sur la forme gallo-romaine des noms des villages de notre région, on ne remonte pas trop loin à travers les temps en déclarant que le point de départ de Marles date de l’époque de la conquête et de l’occupation de la Gaule par les Romains.

Avant leur arrivée, le Nord de la France, appelé Gaule-Belgique, était peuplé de tribus de race celtique, venant de Germanie et habitant la forêt immense --- que les Romains désigneront sous le nom de “Vastus Saltus” --- qui descendait des Ardennes à la mer et couvrait toutes nos régions.

Plusieurs branches de la grande famille celte avaient déjà envahi la Gaule. Le groupe ethnique belge étant le dernier à venir s’installer dans les nouvelles contrées, avait dû occuper ce qui restait de territoire disponible, d’où son installation dans le Nord du Pays.

Dans les limites actuelles du Pas-de-Calais, plusieurs peuplades de cette race s’étaient partagé la région: au Sud-Est, se trouvaient les Atrébates dont le pays, l’Atrébatie, avait pour capitale ce que les Romains baptiseront du nom de Nemecatum ou Atrébatum, la future ARRAS; au Nord-Ouest, c’est-à-dire de nos régions jusqu’au littoral, s’étendait le pays des Morins: la Morinie, dont le centre était l’infortunée Thérouanne, l’antique Tarvonna ou Morinie; puis au Nord de Saint-Omer, des bords de l’Aa jusqu’en Belgique actuelle, se trouvaient les Ménapes, ancêtres des Flamands.

Il est assez difficile de donner les limites exactes qui séparaient la Morinie de l’Atrébatie; limites qui n’existaient pas politiquement et que géographiquement l’on peut placer entre la vallée de la Lawe et celle de la Clarence.

La plupart des historiens provinciaux situent nos villages en Morinie. Cette assertion est appuyée sur les dires de deux auteurs anciens concernant deux communes très proches de Marles: Allouagne et Ferfay. Le Père Malbranques (1) dans son livre sur la Morinie parle d’Allouagne à propos de la Sainte Larme; on y lit notamment: “Allouaine, sur le territoire de la Morinie”(2).Quant à Ferfay, on trouve dans le légendaire de la Morinie le récit de la mort des Saints Lugle et Luglien “assassinés vers 700 dans la vallée de Syrandaël à Ferfay en Morinie” .

(1) Malbranque Jacques: Père Jésuite né à Aires en 1578, historique de la Morinie: De Morinis et Morinacum rebus sylvio palladibus oppidis etc … 3 volumes 1629-1654.

(2) La vie des Saints Lugle et Luglien a été faite d’après un très ancien manuscrit de l’église de Lillers qui est imprimé dans le sixième volume des Acta sanctorum Belgie de Ghesquières.

D’après ces citations, l’on pourrait affirmer que les villages de nos régions sont située en Morinie et pour Marles, le simple fait qu’au point de vue religieux, comme annexe de la paroisse de Calonne-Ricouart, elle fit partie, avec cette dernière commune, du diocèse de Thérouanne, nous permet de la comprendre dans le territoire du pays des Morins; de même que la démarcation entre les deux pays gaulois était la région comprise entre les vallées de la Lawe et de la Clarence puisqu’au Sud de la Lawe le pays était réputé être l’Atrébatie.

Des Morins, que sait-on? … fort peu de chose, faute de documents. De leur temps, on écrivait peu; les faits se transmettaient oralement (1). Ils possédaient, nous disent le chroniqueurs, les qualités et défauts de la race gauloise: belliqueux, fiers, braves, et César leur rendra justice qu’il eut bien du mal à les vaincre.

(1) De la Roncière: Histoire de la découverte de la terre.

Les renseignements que l’on possède sur eux, on les doit à César lui-même qui les narre dans ses Commentaires, monuments bien précieux pour l’histoire de ces temps. Il nous apprend que, venant de la Germanie en Morinie, il trouva une série de bois qui s’étendaient des Ardennes jusqu’à la mer. Il serait hasardeux d’émettre une hypothèse sur une légende, l’on sait que les légendes n’ont pas de fondements solides, il en existe cependant une qui a trait au baptême, par César en personne, de la nonchalante rivière aux bords desquels Marles a vu le jour, et ce petit cours d’eau est tellement mêlé à la vie de notre cité, que l’on ne peut pas la laisser passer sous silence: “César, arrivant au pays des Morins, venant de celui des Atrébates, salua la rivière de fluviolus clarens”: le fleuve aux eaux claires. Or l’on sait qu’à cette époque, la seule voie de communication existant à travers la forêt était une suite de sentiers gaulois qui unissait Arras à Thérouanne et que les Romains, au fur et à mesure de leur conquête, transformèrent, afin de faciliter la rapidité des mouvements de leurs troupes, en une large, solide et directe Chaussée, appelée aujourd’hui Chaussée Brunehaut (1). Cela prouverait que César vint dans notre région et quand il baptisa “la Clarence” comme il n’existait que la Chaussée pour pénétrer dans notre pays, l’on peut présumer, avec fantaisie, qu’il passa entre Calonne et Camblain à l’intersection de la rivière et de la Chaussée. Mais rappelons-le, ce récit n’est que légendaire.

(1) Ce nom lui fut donné, disent les uns, par la postérité reconnaissante envers cette reine qui avait fait rétablir, au VIe siècle, cette chaussée que les invasions barbares avaient complètement détruite. D’autres, parce qu’elle fut le lieu de martyre de l’infortunée souveraine. (La légende de la Chaussée Brunehaut ne date que du XV° siècle.)

Il est à noter que son commencement démarque bien la limite entre les deux pays gaulois: César arrivant au pays des Morins, venant de celui des Atrébates … etc. assertion qui renforce l’hypothèse émise plus haut sur les frontières naturelles de ces antiques lieux.

La conquête de la Morinie ne se fit pas sans heurts: les Morins luttèrent énergiquement contre l’envahisseur et même quand la Gaule fut pacifiée, ils demeurèrent toujours un peuple frondeur.

Pour bien installer leur domination et afin de pénétrer la nouvelle province, les Romains construisirent des fortins et des camps retranchés le long de la chaussée: Calcia (Calonne) , Camblium (Camblain), Auchella (Auchel), Fracfagium (Ferfay), Alciacum in Nemore (Auchy-au-bois) (1) etc ….. Ils remontèrent en amont et en aval de la Clarence et furent les fondateurs des points de départ de la majorité de nos villages d’aujourd’hui. Ce qui le prouve est la découverte faite à Camblain-Châtelain, en 1850, par M. Ternick de fondations romaines et de plusieurs squelettes remontant au IV siècle et, plus près de nous, la trouvaille faite, quelques années avant la guerre 1914-18, sur le terrain de la briqueterie installée près du lavoir, à Marles-les-Mines, de plusieurs vases et poteries gallo-romains. (2)

(1) D’après HARBAVILLE: Mémorial historique et archéologique de la Picardie et de l’Artois (Il est certain aujourd’hui que Calcia a donné Cauchy et non Calonne).

(2) Ces vases et poteries qui se trouvaient, il y a encore quelques temps dans la collection de M. Elby, sénateur du Pas-de-Calais, président du Conseil d’Administration des Mines de Bruay, ont été présentés et décrits par M. Pentel, de la Commission des Monuments Historiques, dans la séance du 3 Novembre 1927 de cette docte compagnie. Ils sont tous en terre rouge très fine et comprennent:

a) Un vase décoré à son sommet d’une tête de femme assez finement modelée. L’extérieur du vase présente des traces de couverte pelliculaire brune, Pas de marque de potier: hauteur: 0,228

b) Une jatte terre cuite sans couverte, Au fond marque rectangulaire composée de deux lignes presque illisibles, dont la seconde semble commencer pars les lettres V I V. Hauteur: 0,45. Largeur: 0,84.

c) Une jatte terre cuite rouge sans couverte. Au fond marque rectangulaire trois caractères presque illisibles semblant former le mot ANA. Hauteur: 0,50; Largeur: 0,93.

d) Une jatte terre cuite rouge avec couverte pelliculaire, couleur brique rouge, marque du Potier LIBERTUS. Hauteur: 0,54; Largeur: 0,55. Noter que le musée de Boulogne possède un vase trouvé au Vieil Atre en 1907 et marqué aussi LIBERTUS.

e) Une jatte en terre cuite sans couverte. Au fond marque rectangulaire oblongue, peu lisible, se terminant par les lettres …. VIR. S’agirait-il de la marque du potier gallo-romain ARSITIVIR? Hauteur: 0,63; Largeur: 0,50. (Bulletin de la Commission départementale des Monuments historiques du Pas-de-Calais, Tome V, 1 livraison, page 271).

ÉTYMOLOGIE DU NOM DE CETTE COMMUNE

Un historien de notre province: Monsieur Achmet d’Héricourt, l’auteur d’une remarquable notice historique sur Béthune, met en garde, dans son intéressant travail, le lecteur contre la plupart des étymologies des noms de lieux dont les explications relèvent en général du domaine de la fantaisie et l’on est parfois étonné des conjonctures étranges de nos imaginatifs devanciers du XIX° siècle car là, plus qu’ailleurs devant le manque de fondements et de sources, l’imagination peut se donner libre cours.

Historiquement, aux X° et XI° siècles, les chartes latines, qui, à plusieurs reprises, confirmèrent à l’abbaye de Chocques, la possession de l’autel de Marles, désignent ce village sous le nom de: Malenes, Molenes, Malnes. A plusieurs reprises des latinistes ont recherché la signification de ce nom en pensant qu’il était le dérivatif d’un mot latin. Mais aucune explication satisfaisante n’a pu être donnée et l’on se demande si l’on ne se trouve pas face à des latinisations populaires ou fantaisistes du mot qui est devenu Marles.

L’on a prétendu que les noms de lieux étaient en rapport, soit avec le rôle historique qu’ils avaient joué, ex.: Atrébatum (Arras) pays des Atrébates, soit avec leur position géographique, ex.: Insula – Isle – l’Isle -- enfin Lille (île formée par deux branches de la Deûle); soit avec leur position stratégique, ex.: Castellum --- Morinorum, pour Cassel – Château fort, place fortifiée; soit avec leur constitution géologique et il semble que l’on peut faire entrer Marles dans ce groupe.

Afin de pouvoir étayer cette supposition, il est intéressant de connaître le sens étymologique donné par divers auteurs sur les villes et villages homonymes de Marles: Marles-sur-Canche, Marles-par-Fontenay et Marle dans l’Aisne. Cette dernière ville, Chef-Lieu de canton important du département de l’Aisne, dont l’histoire a été écrite par MM. E. COET et C. LEFEBVRE (1) est également d’origine romaine, son nom provient, nous disent-ils: “ du sol sur lequel elle repose, elle est désignée sous le nom de Marla Castellum: Marla c’est à dire Marle. La colline sur laquelle est bâtie la ville appartient au terrain secondaire qui se compose de craie ou de marne appelée aussi marle.

(1) Histoire de la ville de Marle (Aisne) et de ses environs (Compiègne 1897) archives départementales de l’Aisne.

Si l’on étudie géologiquement la constitution du sol de Marles-les-Mines, l’on constate qu’il est formé en majorité de calcaire recouvert d’une couche d’argile; c’est à dire qu’il est constitué de marne, comme celui de Marle dans l’Aisne et cette étonnante analogie de constitution géologique et de nom semble prouver que, suivant les règles générales, dont il est fait mention plus haut, et qui ont présidé aux baptêmes des lieux, les mêmes causes produisent les mêmes noms dans le Pas-de-Calais comme dans l’Aisne.

La forme ancienne du mot marne est marle, du vieux latin “ margula “. De nos jours encore, les vieilles gens disent de la marle pour de la marne: autrefois une marlière était le lieu où l’on trouvait de la marne pour marler les champs. Il serait donc assez logique de prétendre que Marles tire son nom de la constitution géologique de son sol.

Tout le monde sait pourquoi, le 27 Mars 1905, vint s’ajouter l’additif: “les Mines” à la suite de Marles, afin de la distinguer des autres communes portant la même dénomination et de faire connaître la nouvelle importance industrielle du lieu. Depuis ce temps le nom du village obscur des siècles passés a acquis une renommée qui l’a transformé en synonyme de labeur et de richesse. Il résonne tous les jours, plusieurs fois, autour des corbeilles de la Bourse, dans le temple de l’Argent, où il évoque le pays noir.

LES PREMIERS TEMPS

Dès que la Gaule fut conquise par César, au milieu du premier siècle avant notre ère, grâce à la chaussée romaine, la pénétration de la Morinie s’effectua plus facilement que celle de la Ménapie. Les conquérants donnèrent au pays des Morins le titre de cité avec Thérouanne pour le Chef-lieu. A cette époque notre province était couverte de bois et fourrés, seuls les sentiers et pistes permettaient de la parcourir. Pour maintenir et fortifier leur emprise sur les nouvelles terres conquises, les Romains établirent le long des voies de pénétration, ici un camp retranché, là un fortin militaire. Autour de ces travaux, se groupèrent les indigènes et ainsi prirent naissance la majeure partie des villages d’Artois d’origine celto-latine. Les légions y apportèrent la civilisation romaine et la Morinie connut une remarquable prospérité, ce fut l’époque où la Gaule s’imprégna si fortement de l’esprit romain, esprit qui fit de notre pays une nation à caractère latin.

Après avoir vécu pendant quelques siècles dans la gloire de l’empire, la Gaule fut, vers le V siècle, envahie par des peuplades venues de Germanie. L’invasion revêtit d’abord une forme pacifique, es Empereurs ayant pris l’habitude aux IIIe et IVe siècles de concéder des terres en friches de la Gaule septentrionale à des familles, parfois des tribus entières, venues d’outre Rhin. Ces concessions occasionnèrent un premier mélange de races (1)

(1) P. Héliot - Article sur les origines ethniques de la population flamande (Février - Mars 1937)

Le processus de ce que l’histoire a appelé les Grandes invasions, n’est pas connu de façon parfaite, du moins pour la Morinie; quelques brefs et rares chroniqueurs y ont fait allusion et l’on en est réduit sur cette question aux généralités.

On a beaucoup épilogué sur les grandes invasions des germains et surtout celles qui intéressent nos régions. On s’est demandé si la dernière, celle des Francs, qui s’installèrent dans nos contrées et occupèrent la Belgique seconde n’a pas été précédée par d’autres venues également de Germanie. Plusieurs auteurs le supposent. (2)

(2) Notamment E. Van Drival: de quelques noms de lieux à forme étrangère que se rencontrent dans le Pas-de-Calais.

On a invoqué de nombreux arguments pour prouver l’établissement des Saxons en Morinie, sans parvenir cependant à forcer l’adhésion unanime. L’on prétend que, vers la fin du IVe siècle, les pirates saxons et frisons se mirent à dévaster le littoral de la Mer du Nord et de la Manche. En 407, l’immense cohorte germanique qui envahit la Gaule se mit en branle et déferla vers le sud, pillant, incendiant et massacrant tout ce qu’elle pouvait atteindre. Le torrent écoulé, les Francs se mirent en route à leur tour et élurent domicile dans la Belgique seconde; leur domination s’étendait à la fin du Ve siècle, jusqu’à la Somme.

Cette assez passionnante question de l’invasion a été reprise, il y a peu de temps par un érudit de notre département (1) qui, l’étudiant de beaucoup plus près qu’on ne l’avait fait jusqu’à ces temps apporte un nouveau jour sur la toponymie de nombreux lieux de Belgique flamande et de la partie septentrionale des départements du Nord et du Pas-de-Calais où se trouvent de nombreuses communes dont les dénominations sont incontestablement à caractère germanique. Il suffit de jeter un coup d’oeil sur la carte pour remarquer ce caractère dans les noms aux suffixes en: laer (Oxelaere, St Martin-en-Laërt), loo (Loon, Looberghe, Loos, Hardelot), holt ou howdt (Wormhoudt, Avroult), berg (Berguettes, Reberges, Fauquembergue, Bergueneuse), bronne (Acquembronne, Theimbronne), beke (Robecq, Guarbecque), voorde (Steenvoorde), hove (Bavinchove, Polincove, etc.), hem (Lozinghem, Floringhem), zeele (Strazelle, Floringuezelle, Estrasselle), etc. Ces trois derniers genres d’appellation se terminant par hove, hem et zeele, écrit l’auteur, sus mentionné: “sont le souvenir des modalités même suivant lesquelles les envahisseurs se sont fixés au sol dans le pays. Chacune de ces appellations est celle même d’un de leurs établissements autour duquel une population s’est agglomérée dans la suite des temps. Le plus souvent le suffixe y est uni à un préfixe qui est le nom même du fondateur de l’établissement”.

(1) H. Claerebout.

En Flandres, Artois et Boulonnais le vocable ing s’est intercalé d’habitude entre le nom d’homme et le suffixe (Lozinghem, Floringhem, Turringhem - premier nom de Cauchy-à-la-Tour). En Lorraine les finales en inghem se sont altérées en ange (Hayange), en Angleterre, en ingham (Buckingham). On les retrouve aussi dans certains noms de dynasties (Mérovingiens, Carolingiens) et même de peuple (Lotharingiens, Thuringiens). Il semble que le sens du suffixe ing implique une idée de filiation, de sujétion et de possession.

Le voisinage près de Marles, de Lozinghem (1) et près d’Auchel, de Thurringhem et Floringhem, prouve que notre région a vécu les temps reculés cités plus haut, et que les villages d’origine gallo-romaine situés dans la vallée de la Clarence furent, en Morinie, entourés de tribus germaniques, qui, par la suite, s’amalgamèrent avec les populations autochtones pour former la race de nos pays.

(1) Lozinghem s’écrivait autrefois Lothinghem, le th rendant en bas-allemand comme en Anglais, le sonze, l’on peut présumer que la prononciation a transformé Lothinghem en Lozinghem.

Cette race celtique d’origine (les celtes venaient de Germanie) mitigée de romains se trempa à nouveau avec les divers envahisseurs dans le sang germain qui est resté marquant dans nos régions et prédominant chez nos voisins flamands. Seule la culture latine de notre pays a fait disparaître le caractère racial dans la formation intellectuelle et morale du peuple du Nord mais n’a pas pu, bien entendu, lui effacer ses traits physiques et, forte est chez nous, la proportion des dolychoblonds, les hommes aux cheveux blonds et aux yeux bleux.

C’est durant ces époques que se place l’action courageuse et charitable de la première église en face des envahisseurs.

La Morinie venait d’être évangélisée par Saint Fuscien, Saint Bertin, Saint Omer, etc. … ; les forêts de ce pays s’étaient remplies de monastères qui servaient de refuges au pauvre peuple devant les éternels envahisseurs du Nord. Ces maisons de prières opposaient à la barbarie de ces temps un christianisme des plus purs et des plus actifs dans son grand rôle d’amour et de paix. Les évêques, élus par leurs fidèles, acquirent un assez grand ascendant moral pour pouvoir imposer la paix et défendre leur province – tel Saint Loup sauvant Troye de la colère d’Attila. A cette époque se fondent en Artois, les puissantes abbayes Saint Bertin à Saint Omer, et Saint Vaast à Arras.

Sous le descendants de Clovis, le royaume franc fut divisé en deux pays: la Neustrie et l’Austrasie dont faisait partie la Morinie qui fut le théâtre de la fameuse rivalité des deux célèbres reines Frédégonde (1) et Brunehaut. Rivalité qui se termina par la fin tragique de cette dernière souveraine. La légende veut que son supplice eut lieu sur la chaussée romaine voisine de Marles. Souvenons-nous que l’origine de cette histoire légendaire ne date que du XV° siècle.

(1) Les deux s’enchevêtraient en bien des endroits, l’un dans l’autre et A. THIERRY dans ses remarquables: Récits des temps Mérovingiens, nous apprend qu’à Thérouanne se trouvaient les fanatiques partisans de Frédégonde.

Charlemagne assura une paix intérieure à son empire mais, sous ses descendants, les Normands firent leur apparition. La Morinie connut-elle leurs ravages? Certains le prétendent et, près de nous, l’historien de l’Abbaye de Chocques (2) signale que les deux prêtres, fondateurs de cette maison de prières, Eurémar et Arnoult, connurent les invasions.

(2) Histoire de l’Abbaye de Chocques, par l’abbé Robert.

La déségrégation de l’empire, l’effritement du pouvoir central, la carence des rois qui ne peuvent assurer la paix du pays, vont permettre aux grands dignitaires et aux fonctionnaires, institués par Charlemagne d’usurper l’hérédité de leurs fonctions et de se rendre maîtres des coins de province qu’ils administraient et, en cas de besoin, de la défendre, constituant ainsi une sorte de gendarmerie. De cet état de chose devait sortir pour la France un régime nouveau: le régime féodal.

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