CHAPITRE DEUX -- LA SEIGNEURIE DE MARLES

LA SEIGNEURIE

Deux faits avaient marqué la fin des Carolingiens: 1) L’invasion de la France par les Normands, 2) la naissance d’un nouveau régime social, le régime féodal.

A la suite des perpétuelles invasions normandes, auxquelles le pouvoir royal, en plein désagrégation, ne peut opposer une résistance efficace, les grands fonctionnaires, institués par Charlemagne pour protéger les marches de l’empire et pour administrer le vaste territoire, prennent l’initiative de défendre eux mêmes leur coin de province. Petit à petit ils se rendent indépendants du pouvoir central et deviennent les maîtres tout-puissants de régions entières. Pour récompenser leurs hommes d’armes, ils distribuent villages et bourgs qui deviennent des fiefs ou seigneuries et, fait caractéristique, comme l’a fait remarquer le distingué archéologue Jules Quicherat, “La France se hérissent de châteaux.”, c’est le morcellement à l’infini du pays. Il arrive, et cela se multipliera par la suite, que dans le même village il existe plusieurs seigneuries; M. Loriquet fait observer dans son livre sur: Les Cahiers de Doléances du Pas-de-Calais, que la commune de Aix-en-Issart, arrondissement de Montreuil-sur-Mer, possédait en 1725, 15 seigneurs sans qu’on ait pu dire quel en était le seigneur primitif.

Au fur et à mesure des temps, les nouvelles règles que ce nouveau régime avait fait naître se codifièrent et, par la suite, d’une seigneurie reposait sur une cérémonie par laquelle un puissant seigneur, appelé Suzerain, faisait concession d’un fief à une autre personne dite vassal; à cette occasion, que le code féodal désigne sous le nom d’Hommage, il jure Foi à son Suzerain, c’est à dire fidélité, et devient seigneur du lieu concédé. Quarante jours après l’acte de foi et hommage, le vassal lui donne l’aveu et dénombrement; cet acte est une pièce qui contient la description des droits et devoirs qui découlent de la propriété de sa seigneurie.

Cette qualité de seigneur lui confère nombre droits féodaux et honorifiques, au début du régime, de faire la guerre, de battre monnaie, de percevoir diverses taxes parmi lesquelles pour les plus courantes: les Aides, sortes d’impositions extraordinaires pour couvrir les dépenses exceptionnelles, le Carrouage droit prélevé sur chaque charrue, le Champart sorte de dîme laïque sur les récoltes, le relief droit de mutations des propriétés, la taille redevance sur les biens et les personnes qui ne sont pas privilégiés, le terrage droit identique au champart, etc.…

Il a aussi le pouvoir d’imposer à ses serfs des corvées qui étaient de services manuels consistant surtout en transports de fardeaux, des banalités droit du Seigneur de posséder un four, un moulin, un pressoir, et de contraindre les habitants de sa seigneurie à y cuire, moudre, presser, en payant une taxe pour ses services obligés et, enfin, un tas de droits de chasse, de pêche, des colombiers, etc.… Dans un autre ordre, il possédait des pouvoirs de justice: au temps moyenâgeux le Suzerain réunissait ses vassaux feudataires pour rendre, en des plaids, la grande justice… Les seigneurs vicomtiers d’Artois avaient connaissance, judicature et punition de sang jusqu’à 60 sols exclusivement et du larron jusqu’à la mort.

Nous étudierons, plus loin, les droits et règles régissant les seigneuries de Marles.

Chaque seigneurie avait son régime particulier avec les différents droits s’y trouvant attachés si bien que, dans certains villages partagés entre plusieurs seigneurs, tels droits et coutumes existaient ici et non là, ce qui créait pour une même paroisse des administrations différentes, et Marles donnait un exemple frappant de cet état de chose.

Deux habitants de cette commune, l’un demeurant au village et l’autre au Wetz-à-Marles, n’obéissaient pas aux mêmes us et coutumes. On y voit là l’une des figures les plus typiques de l’enchevêtrement administratif de l’ancien régime et, si l’on ajoute à celà les différentes administrations et coutumes de chaque province, l’on se rend compte tout de suite des complications sans nombre de cette perplexe réglementation. Il est vrai que de nos temps l’administration n’est pas des plus simples et que bien des droits anciens existent encore sous de nouvelles dénominations.

Ce régime des privilèges seigneuriaux se transforma quelque peu au fur et à mesure de la consolidation du pouvoir royal qui leur enleva leur force et caractère politique, surtout avec Richelieu et Louis XIV, mais l’ensemble du code féodal subsista jusqu’à la Révolution.

Quant à l’administration des seigneuries elle était copiée sur les baillages judiciaires. Le seigneur, propriétaire de plusieurs seigneuries, titulaire de charges et dignités, ne pouvait résider dans toutes ses terres. Il y était représenté par un bailli, chargé des attributions du maître, assisté d’un “lieutenant” pour le seconder et ayant sous ses ordres des hommes de fiefs pour les affaires nobles et des hommes cottiers pour les affaires roturières. (1)

(1) Dans bon nombre de seigneuries, le seigneur, souvent par besoin d’argent, avait été amené à concéder aux habitants de ses terres diverses libertés et franchises et dans les villes le pouvoir seigneurial était souvent freiné par les échevinages, les hommes de fiefs ou les hommes cottier.

Marles était divisée, avant la Révolution, en trois seigneuries desquelles dépendaient de nombreux fiefs possédés par différents seigneurs. On distinguait en premier lieu la Seigneurie Principale de Marles, dite principale parce qu’elle avait dans sa juridiction le territoire de l’église paroissiale. Seul son propriétaire avait le droit de se qualifier de seigneur de Marles – ce qu’un jour fit remarquer un Beaulaincourt. En deuxième, la seigneurie du Wetz-à-Marles presque aussi importante que la première, et en troisième: la seigneurie de Rougeville comprenant les terres situées entre le bas de l’église et Vis-à-Marles.

Cette division du territoire de Marles en plusieurs seigneuries, semble remonter au début de l’époque féodale où certainement plusieurs fiefs furent concédés, à différentes époques, à différentes personnes.

Les plus vieux documents nous apprennent que Simon de Marles vendit en 1202 la dîme de Marles à l’abbaye de Chocques. En 1254, on trouve Jean seigneur de Marles et sa femme Péronne, dont un fils Jean seigneur de Marles. Avant 1399, Marguerite de Marles, mariée à Guillaume de Heuchin, avait un fief à Marles qu’elle laissa à sa fille de Marie de Heuchin. Celle-ci était en 1407 mariée à Mathieu Boquet et possédait “la Motte d’Aucoche” à Marles. Mais bien avant cette date la seigneurie était sortie de la famille de Marles. C’est certainement à cette époque que le territoire de Marles s’est divisé en plusieurs seigneuries. Jean de Rebecques servit le dénombrement de la seigneurie de Marles en 1385. En 1438, Pierre de Liestre servit à Robert de Lens, chevalier, seigneur de Rebecques, le dénombrement d’un fief de Marles, tenu de lui à cause de son fief mouvant de Lens. La seigneurie de Marles passa ensuite aux Noyelles mais dès 1340 un sire de Noyelles avait acquit de Collart de Récourt un fief à Marles tenu du château de Rebecques. Peut-être s’agit-il du fief de Grancourt, tenu de Robecq. On a quelque fois fait confusion entre Rebecques et Robecq (1)

(1) Dictionnaire Historique et Archéologique du Pas-de-Calais

LA SEIGNEURIE PRINCIPALE DE MARLES

Avant d’entreprendre l’étude généalogique des propriétaires de la seigneurie principale de Marles, il est utile de connaître en quoi consistaient les droits honorifiques qui s’y trouvaient attachés; en premier lieu le droit de clocher qui donnait droit à son propriétaire de se dire seigneur principal de Marles et aux droits de préséances dans l’église et aux processions; deuxièmement, le droit de pêche et de chasse, ce dernier le plus jalousement conservé par la noblesse, si dommageable aux pauvres gens et si humiliant à la roture; troisièmement, le droit de plantis (planter) dans les chemins, rues, flots, flégards, de la seigneurie principale de Marles et pour terminer, de nombreuses rentes foncières et seigneuriales représentées par nombre de droits seigneuriaux sur les terres (aides, champart, terrage, etc.) un droit de relief, des droits casuels (droits attachés au culte) et quantité de bénéfices de second ordre.

Sa composition territoriale se trouvait constituée au XVI° siècle:

1. Du fief de Grancourt, tenu de Robecq

2. Du fief de Liette ou Liestre, tenu du fief de Lens sis à Marles et mouvant lui même du Château de Lens. (Il est à croire que le fief de Lens à Marles fut acquis par les Noyelles car il faisait partie de la Seigneurie de Marles en 1692.)

3. Du fief de la haute justice de Marles au fief de Liestre tenu au château de Lestre en Lestrem (qui appartint à Jean de Rebecques au XVI° siècle; au XVII° et au XVIII°, aux d’Ennetières marquis des Mottes, seigneur de Mazinghem en partie et ensuite aux Fléchin marquis de Wamin).

C’est donc vers la fin du XV° siècle que la seigneurie principale de Marles passa dans les mains de la famille de Noyelles.

FAMILLE DE NOYELLES

La famille de Noyelles (de Noyelles sous Lens) est une des plus importantes du nobiliaire artésien, non seulement pas ses alliances, mais aussi par les hautes charges et hauts emplois qu’occupèrent les membres de cette maison auprès des Ducs de Bourgogne, comtes d’Artois, ainsi qu’auprès des empereurs d’Allemagne et des archiducs, leurs représentants aux Pays-Bas.

Une branche s’installe à Calonne-Ricouart et obtint le titre de Comte de Calonne, comme celle de Marles, nous le verrons plus loin, obtint aussi celui de Comte de Marles.

L’auteur de la branche de Marles, qui fut le premier seigneur de cette terre de la famille de Noyelles, fut PHILIPPE de Noyelles sous Lens (XVe siècle).

Voici l’arbre généalogique de cette maison depuis Philippe de Noyelles jusqu’au dernier comte de Marles de cette famille. (1):

(1) Généalogie d’après DOUAY: “Histoire de la maison de Béthune”.

2. Philippe de Noyelles sous Lens, vicomte de Langle, Maître d’Hôtel et général des troupes du Duc de Bourgogne; il mourut en 1474, il avait épousé en 1442 Antoinette de Mailly dame de la Cliqueterie, morte en 1489, dont:

3. Jean IV de Noyelles, seigneur de Marles, du Plouich, de la Cliqueterie, mort en 1525, épousa en 1489, Marie Quieret, dame d’Oftreville dont:

4. Adrien 1er de Noyelles, seigneur de Marles et autres lieux, baron du Rossignol, Chevalier d’honneur du Conseil d’Artois, mort en 1553, épousa le 17 Juin 1532 Walburge de Boetzelaert, morte en 1575 dont:

5. Adrien II de Noyelles, comte de Marles, seigneur du Plouich etc. chef des Finances des Pays-Bas, Maître d’Hôtel des archiducs, gouverneur d’Arras, mort en 1623, avait épousé le 3 Mai 1578 dame Marie de Lierre-Immersel et en secondes noces Anne de Hormes. Adrien II de Noyelles obtint en 1621 une ordonnance des archiducs réunissant en un seul fief, sous le nom de Comté de Marles, les terres de Fléchin et de Marles. De son second mariage, il eut:

6. Florent de Noyelles, comte de Marles, baron du Rossignol, gouverneur d’Arras, gentilhomme de la Chambre des Archiducs, Grand Bailli du Comté de Hainaut, mort à Mons en 1625, allié le 17 Janvier 1611, à Françoise de Noyelles-Croix dont:

7. Eugène de Noyelles, comte de Marles et de Croix, marquis de Lisbourg, vicomte de Nielles, baron du Rossignol, député général de l’Etat noble d’Artois, gouverneur de la Motte-au-Bois, mort en 1685, il avait épousé Louise Comtesse de Noyelles sous Lens, dame de la Befre en 1629; de ce mariage naquit une fille: Adrienne Thérèse Marie Eléonore de Noyelles épouse en secondes noces de François Joseph Fabrice de Piétra-Santa, compte de Cantu à la requête de qui la terre de Marles fut mise en vente en 1692 pour payer les dettes de son père Eugène de Noyelles. Marquis de Lisbourg. C’est ainsi que la seigneurie des terres quitta la maison de Noyelles.

Voici l’affiche imprimée de la vente par décret et mise en criée de la terre et comté de Marles, à la requête de Fabrice de Piétra-Santa, comte de Cantu et d’Adrienne de Noyelles, dame héritière de Marles, fille de feu Eugène de Noyelles, marquis de Lisbourg, comte de Marles:

“Asça voir: la terre et sgrie de Marles, se consistante en un belle et ample ferme amazé de maison … entourez de fosséz avec les manoirs et jardins y joindans … tenante … vers soleil à la rivière en tout 145 mesures de terres, prés et bois, un droit de terrage sur toute la sgrie, le fief de Grancourt tenu de Robecq; le fief de Liette tenu de Madame Desmottes; le fief de Lens. Mise à prix pour deniers principaux: 4000 l.”

Elle fut achetée par Nicolas Placide de la Forge, au nom de Jean Georges de Beaulaincourt qui descendant de Noyelles par Madeleine des Planques-Béthune, mariée en 1630 à Georges de Beaulaincourt, put exercer le “retrait lignager” et éviter ainsi que Louis Joseph de Brias, marquis de Royon, ne l’exerça sur lui. Dans le code féodal, le retrait lignager était une procédure permettant aux parents d’un vendeur de racheter à l’acquéreur le bien aliéné.

La famille de Beaulaincourt, qui porte comme armes: “d’azur à deux lions léopardés d’or assis et acculés, les queues en sautoir à la couronne d’or en chef” est très ancienne. Originaire de la région de Cambrai elle se répandit en Artois au XVe siècle. Les deux personnages les plus célèbres de cette maison, ascendants des comtes de Marles furent:

1. Enguerrand de Beaulaincourt qui assista à la prise de Jehan le Bon roi de France. En récompense le roi Edouard d’Angleterre, lui permit de placer dans ses armes, en chef, entre les deux léopards, une des couronnes anciennes armes d’Angleterre. Voici la relation que donne un vieux manuscrit de la remise par le roi d’Angleterre, de cette marque particulière: (C’est Enguerrand qui parle au roi Edouard III d’Angleterre vers 1356).

Très chier Sire puisqu’il le vous plaist sçavoir, je le vous diray. Mes armes, dist-il, sont d’asur à deux lions d’or assis dos à dos, à testes de lupardz leurs 2 queuwes croisées ensamble. Et le cry: Busnes tous assis. Et quant le dit roy Edouard oy nommer les lupardz qui sont es nouvelles armes d’Angleterre et qu’il avoit esté à conquesté du Roy, luy qui aussi estoit Roy augmentoit et enrichissoit ses dittes armes de une couronne d’or en chief entre les dits lions, la ditte couronne prinse es anciennes armes d’Angleterre”.

C’est depuis ce temps que les Beaulaincourt portent un couronne d’Angleterre dans leurs armes.

2. Beaucoup plus tard Antoine de Beaulaincourt occupa, le premier, la haute charge de Roy-d’armes de la Toison d’Or, pour l’empereur Charles-Quint qui était le souverain de notre province. Il fut chargé de hautes missions notamment de la translation des restes de Charles-le-Téméraire de Nancy à Luxembourg et lorsque Charles-Quint se brouilla avec la couronne de France, il fut chargé de reporter à Henri, l’ordre de France de Saint-Michel dont l’Empereur d’Allemagne avait été décoré. (1)

(1) Archives de la famille de Beaulaincourt par Rodière et La Charie.

GÉNÉALOGIE DES SEIGNEURS DE MARLES DE LA FAMILLE DE BEAULAINCOURT

1. Jean Georges de Beaulaincourt † 1699, chevalier, seigneur de Bellenville, La Beuvrière, obtint en 1696, du roi Louis XIV (l’Artois étant devenu français depuis 1659) un renouvellement d’éridiction en Comté, des terres de Marles et La Beuvrière. Il se maria, par contrat du 20 Juillet 1675, à Marie Thérèse Josèphe de Marieux qui lui donna onze enfants. Voici, extrait des registres de l’Election d’Artois l’arrêt de Louis XIV confirmant l’érection en comté de la terre de Marles (1676 -1714 f° 400).

1696 Février – Versailles

Confirmation d’érection en comté de la terre de Marles en Artois.

“Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, à tous présent et à venir salut. Notre cher et bien aimé Jean Georges de Beaulaincourt, Sr de Bellenville, Baillelet, La Beuvrière et Marles, nous a fait remontrer que la terre, seigneurie et comté de Marles, située dans notre pays d’Artois, ayant été saisie réellement sur la succession de Sr Eugène de Noyelles, marquis de Lisbourg, l’exposant pour ne pas laisser passer dans une famille étrangère une terre de cette qualité laquelle fut érigée en Comté en l’année 1621 en faveur d’Adrien de Noyelles, chevalier seigneur de Marles l’un de ses parents collatéraux s’en seroit rendu adjudicataire en l’année 1692 depuis lequel temps il en a joui, paisiblement; et quoique par les lettres d’érection de la dite seigneurie de Marles en comté faite par Isabelle Clara Eugénia infante d’Espagne, archiduc d’Autriche, il ne soit pas dit que led.. Comté de Marles retournera en son premier état de simple seigneurie en cas de mutation néanmoins l’exposant pour prévenir toute difficulté nous a très humblement fait supplier de vouloir continuer et confirmer led.. titre nom et dignité de comté à ladite terre et seigneurie de Marles, et d’y unir pour la rendre d’un revenu plus considérable, celle de la Beuvrière avec les fiefs et seigneuries en dépendans, appartenant à l’exposant et relevant de nous à cause de notre château de Béthune; il espère que lui nous accorderons cette grâce, tant en considération des services rendus à notre couronne, tant par ses ancêtres en différentes occasions que par Georges Philippe de Beaulaincourt, Sr de la Motte, lieutenant dans le régiment de Bassigny:

Charles François de Beaulaincourt Sgr de Freintiers (sig, -- lisez Frévillers) officier au régiment de Beauvois tué au siège de Mayence et Albert de Beaulaincourt Sgr de Bayeux, lieutenant au régiment Royal Wallon décédé à Nice ayant été blessé d’un coup de fusil combattant contre les Barletz dans les montagnes de Piedmont, tous trois frères de l’exposant et par lui entretenus pendant la présente guerre et précédentes, comme aussi en considération de sa noblesse ancienne et distinguée dans le pays d’Artois, ses prédécesseurs de même nom ayant depuis plus de quatre cens ans en des charges considérables et honorés de différens emplois par leurs princes souverains et entr’autres Antoine de Beaulaincourt, bisayeul de l’exposant, premier lieutenant au gouvernement de Lisle, Douay et Orchies, lequel fut créé et couronné en 1550 par l’Empereur Charles-Quint son conseiller et premier Roi d’Armes de l’ordre de la Toison d’Or; lequel en ces deux qualités fut chargé de commissions importantes et honorables, tant par led.. Empereur le roi Philippe second que Marie Reine douairière de Bohême, régente de Hongrie et particulièrement pour la célébration de l’ordre de la Toison d’or en la ville de Gand, et pour apporter en France au roi Henri trois (sic) de la part dud. Empereur Charles-Quint le colier de l’ordre de Saint-Michel et pour venir à Nancy y prendre et faire porter à Luxembourg le corps de Charles, duc de Bourgogne, sesd. Prédécesseurs ayant en outre été appelés dans toutes les actions remarquables pour y assister, soit lors des ratifications des traités de paix ou arrivée des archiducs dans le pays Tournaisis, et qu’enfin l’exposant est allié aux plus illustres familles, tant de la province d’Artois que circonvoisines et notamment de celle de Hamel, de Clermont, d’Hormes, de Colans, de Mailly, de Béthune, de Monts, de Sailly, d’Esclaibes, de Lançon, de Moeurs, Wancourt, Nédonchelle, Noyelles, de Solaismes, de Canivet, de Monstrelet, de Bussy, de Pritches, de Saveuse, de Hondescourt, de Robecq, de St-Omer et autres; en sorte qu’il est en état par tout ce que dessus de porter avec honneur et approbation publique, le nom titre et qualité de Comte. A quoi inclinant favorablement et voulant reconnaître par quelque marque de distinction le zèle et l’attachement que l’exposant a toujours eu pour notre service et laisser à la postérité des marques de la satisfaction qu’il nous en reste, nous avons de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, continué et confirmé, continuons et confirmons par ces présentes signées de notre main, led. titre, nom, dignité et prééminence de comté à lad. Terre et Sgie de Marles, et autres grâces et concessions portées par lesd. Lettres patentes du 12 Janvier 1681 cÿ attachée sous le contre-scel de notre chancellerie, à laquelle nous avons uni et unissons par cesd. Présentes lad. Terre et Sgrie de La Beuvrière, fiefs et sgries en dépendans, pour en jouir au nom, titre et dignité de comté par led. Sr Jean Georges de Beaulaincourt, ses hoirs et successeurs mâles de légitime mariage aux mêmes honneurs droits, autorités, privilèges, prérogatives, prééminences, tout ainsi que les autres comtés de notre royaume. Voulons qu’il puisse sesd. Successeurs se dire, nommer et qualifier du nom de comte en tous actes tant en jugement que dehors, et jouir du contenus ausd. Lettres d’érection de même qu’en a joui ou dû jouir le feu Sgr de Noyelles; sans qu’à défaut d’hoirs mâles en loyal mariage nous puissions ni nos successeurs rois en conséquence des ordonnances de l’année 1566 et autres sus ce intervenues, prétendre droit de réunion de lad. Terre et dépendances à notre domaine, à quoi nous avons pour ce regard seulement dérogé et dérogeons par cesd. Présentes, ainsi lesd. Terres retournerons en leur premier état de simple seigneurie. Si donnons en mandement à nos et féaux conseillers les gens tenans notre conseil provincial d’Artois, et autres nos justiciers et officiers qu’il appartiendra, que nos présentes lettres de confirmation de comté et union desd. Terres et sgries de Marles et La Beuvrière et dépendances, ils fassent lire publier et enregistrer et du contenu en icelles faire jouir et user pleinement et paisiblement et à toujours led. Sr de Beaulaincourt, ses hoirs et successeurs mâles, sans souffrir être fait et donné aucun trouble ni empêchement au contraire, directement ni indirectement, pour quelque cause et occasion que ce soit, nonobstant toutes ordonnances, statuts, loix coutumes, arrêts et autres choses à ce contraire, ausquelles nous avons dérogé et dérogeons seulement, sans tirer à conséquence. Et affin que ce soit chose ferme et stable à toujours, nous avons fait mettre notre scel à cesd. Présentes, auf en autre chose, notre droit et l’autruy en toutes. Donné à Versailles, au mois de février, l’an de grâce mil six cent quatre vingt seize et de notre règne le cinquante troisième. --- Signé: LOUIS; par le Roi, Le Thellier, et à côté visa: BOUCHERAT, pour lettres de confirmation d’érection de la terre de Marles en comté et scellé en cire verte (1)

(1) Archives du Pas-de-Calais, registre de l’élection d’Artois 1676-1714, f°400 - Copie Textuelle.

PHOTO I -- I – Alexandre Auguste Joseph de BEAULAINCOURT, Comte de Marles, 1716-1782. Rodière et La Charie, Archives de la Famille de Beaulaincourt.

A Jean Georges de Beaulaincourt, premier comte de Marles de cette famille, succéda son fils:

2. Philippe Alexandre de Beaulaincourt, chevalier, comte de Marles, né le 7 Mai 1687, membre des Etats d’Artois à cause de sa terre de Marles, député aux comptes de la Noblesse de 1750 à 1753, décédé le 26 Janvier 1754 à La Beuvrière, et inhumé dans l’église de Marles, marié par contrat à Marie Catherine Thérèse Françoise Le Vaillant du Châtelet, baptisée le 28 Juin 1680, morte le 19 Novembre 1763, dont:

3. Alexandre Auguste Joseph de Beaulaincourt, chevalier, chevalier, comte de La Beuvrière et de Marles, (voir hors-texte I), né le 19 Février 1716, mort le 3 Mai 1782 à Pont-Sainte-Maxence, député aux comptes (1750-53), député ordinaire (1779-1781) enfin député en cour (1781), Mayeur de Béthune, marié par contrat, le 4 Septembre 1739; à Thérèse Henriette Védastine Henry dame de Vaudricourt Sévilingue etc., (voir hors-texte II) dont il eut 10 enfants, dont:

4. Ange Guislain Joseph Alexandre de Beaulaincourt né le 25 Juillet 1744 à La Beuvrière, chevalier, comte de Marles, Sr de Vaudricourt, capitaine au Royal Dragons, chevalier de Saint-Louis (Voir hors-texte III), épousa par contrat du 23 Juin 1770, Albertine Françoise Alexandrine de Genevières dame de Wavans Beauvoir Rivière. Il fut le dernier propriétaire de la seigneurie de Marles, la Révolution ayant supprimé le régime féodal lui enleva tous ses droits seigneuriaux; il fut guillotiné sur la place d’Arras, le 5 Avril 1794. On trouvera relaté plus loin les faits qui intéressèrent cette famille pendant l’époque révolutionnaire. Voici, pour terminer ce tableau généalogique, les derniers descendants directs des comtes de Marles:

5. Ange Philippe Auguste Joseph de Beaulaincourt, né le 23 Juin 1772, comte de Marles, officier au Gardes Wallonnes, chevalier de Saint-Louis, mort le 30 Juin 1842, marié en 1802 à Barcelone, à Raymunda Bonaventura de Garcia y Ardevol, et en secondes noces à Albertine Félicité Aubron; il eut du premier lit;

6. Joseph Augustin Ange, comte de Marles, né à Barcelone le 7 Août 1805, mort sans postérité au château de Beauvoir le 4 Septembre 1871 ayant épousé le 24 Novembre 1840 Laure Adélaide d’Ostrel de Flers.

7. Joseph Augustin Ange, comte de Marles, Beaulaincourt, de Marles, frère du précédent, né à Barcelone en 1807, officier d’infanterie, décédé le 9 Janvier 1852 à St-Austreberthe, marié à Hesdin le 4 Septembre 1843 à Marie Clothilde le Merchier de Renaucourt.

A la mort du premier de ces deux frères, le titre de comte de Marles passa dans les branches collatérales dont les descendants existent encore aujourd’hui et doivent être fixés au Canada. La famille de Beaulaincourt a suscité de nombreux rejetons qui formèrent de nombreuses branches cadettes (1), multipliées par de nombreuses alliances et, de ces faits, cette maison est considérable. Les tableaux généalogiques de toutes ces branches ont été étudiées par MM. RODIÉRE et LA CHARIE dans leurs travaux sur les archives de la Maison de Beaulaincourt. Les plus importantes sont les: de Genevières, de Marcottes, de Nouvelles, d’Hannedouche, de Maillet et Pépin, Jolly de la Viéville, de St-Vaast, Segon, du Val de Moncheaux, du Hays, de la Charie etc.

(1) Une de ces branches cadettes fut propriétaire jusqu’en 1890 de la gentilhommière marlésienne laissée en héritage par les comtes de Marles. Les chefs de cette branche portaient le titre de Comte de Beaulaincourt, l’un deux, le comte Ange de Beaulaincourt fut maire de Marles de 1826 à 1827.

SEIGNEURIE DU WEZ-à-MARLES

La seigneurie du Wez-à-Marles, qui se trouvait à l’Est de la Seigneurie principale, vers les limites de Marles et Lapugnoy, lieu appelé aujourd’hui Vis-à-Marles, Vis déformation de Wez (1) semble à ses débuts avoir appartenu divers propriétaires. En 1400 on cite un Jean de Wez, en 1403, un Desramé de la Folie, seigneur en partie du Wez, cette partie demeura dans cette famille qui légua aux seigneurs de Marles-lez-Monteuil (1499). Certainement revendue on trouve en 1446, un contrat qui lègue à Jean d’Ohlain escuier, Sgr de Ferfay, Auchel, Cauchy-à-la-Tour, etc. le fief du Wez-à-Marles, en voici la copie. Il est daté de Thérouanne le 5 Mai 1446:

(1) Le Moulin de Vis-à-Marles appartenant à Monsieur Debureau est tout ce qui reste aujourd’hui de la Seigneurie de Wetz-à-Marles. Quant à la ferme de Wez, elle a été démolie. Le dernier de ces occupants fut Louis Berroyez.

“Noble personne Louis Bournel, Chlr sgr de Thienbronne et de Heuchin, balle à rente héritable à Jean d’Ohlain escuier, sgr de Frefay (sic) ….. la maison, mannoir, amazements, tennements, terres labourables et non labourables, prais, pastures, pastis, jardins, bois, aulnoys et autres appartenances de l’hostel et cense qu’avoit led. chevalier paravant le présent bail, en la ville et terroir de Marles, avec tous les tennements que ad cause de lad. Cense at tenu et que de présent tient encore Marcq Grébendon, zet toutes les corrowées deubes aud. Chevalier en lad. Ville; ouquel hostel iceluy escuier ou ses hoirs ou aians cause peut et pourront avoir s’il leur plaist four pour les gens, familiers et maisnie de son hostel tant seulement; et si porra ou pourront sesd. hoirs ou aians cause sur led. lieu mannoir et appartenances vendre et acheter franchement, sans pour lesd. Ventes ou achapt par lui ou ses aians cause paier aucun droit de tonlieue ne issues, sauf de beuvrage. Suit la déclaration des héritages baillés: Primes un mannoir amazé de maison de pierre, contenant tant en amazement comme autrement 5 mesures de terres ou environ, tenant de lez aval aux prais dud. Jean d’Ohlain et du lez d’amont à la rivière dud. Marles; duquel mannoir et tennement dessus déclarez led. chevalier et sgr des flégards et de ceux au plus près de luy. Plus de nombreuses pièces de terres, dont certaines tenant au bois dud. Jean d’Ohlain; au quiefleu dessusdict. Plus un terrage en la ville et terroir de Marles consistant en 8 du cent de jarbes, bottes et warats. Moyennant 22 livres parisis de rente annuelle et 10 livres seulement de relief, nonobstant l’usage ou coutume à ce contraire. Suivent diverses clauses relatives au terrage, aux amendes, etc, etc. (2)

(2) Rodière et la Charie: Archives de la famille Beaulaincourt.

Cette pièce montre l’origine et les principaux droits seigneuriaux de la seigneurie du Wez-à-Marles. Désormais, les membres de la famille d’Ohlain, Ferfay porteront le titre de seigneur du Wez-à-Marles.

La famille d’Ohlain, qui descendait des comtes de Boulogne, porte comme eux, sur leurs armes, “d’Argent à trois tourteaux de gueules”. Elle est originaire d’un hameau de Fresnicourt-le-Dolmen: Ohlain, où l’on voit encore de nos jours leur château fort datant du XV° siècle (1). C’est un des rares spécimens de l’architecture moyenâgeuse, le mieux conservé de l’Artois: d’une allure imposante avec ses grosses tours, son pont-levis, il offre cette particularité d’être construit au milieu d’un petit lac formé par la Lawe.

(1) Roger Rodière: Une des dernières forteresses féodales du Nord de la France (1926).

La branche, dont on s’occupe, possédait les seigneuries d’Auchel, Cauchy-à-la-Tour, Ferfay, où se trouvait leur château. Voici par ordre généalogique la liste des seigneurs du Wez-à-Marles, des Ohlain et de leurs héritiers jusqu’à la Révolution.

Le premier dont parle le contrat ci-dessus:

1) Jan d’Ohlain; dont:

2) Jacques d’Ohlain sgr de Frefay (2) Auchel et Wez-à-Marles etc … épousa Marie de Barencourt dit de Bouchavesnes; dont: Philippe d’Ohlain, sgr de Frefay, Auchel, Cauchy-à-la-Tour, Wez-à-Marles etc… marié en 1521, à Péronne de Bonnière-Souastre. C’est ce seigneur qui fit construire les églises d’Auchel et Ferfay où l’on retrouve ses armes aux frontons des porches principaux de ces édifices. De son mariage naquit une fille Marie d’Ohlain qui épousa, le 30 Mars 1544, Jehan d’Ostrel de Lières et lui apporta en dot les seigneuries de son père.

(2) Forme ancienne de Ferfay

3) Jehan d’Ostrel de Lières par ce mariage seigneur de Wez-à-Marles appartient à la maison de Lières qui porte, “d’Argent à deux bandes d’azur”, fondée en 1490 par un chevalier originaire du Luxembourg Philippe d’Ostrel.

4) De l’union de Jehan de Lières et de Marie d’Ohlain naquit Jacques de Lières seigneur du Wez-à-Marles, il épousa Marguerite de Mailly dont il eut une nombreuse progéniture à qui il partagea les seigneuries en sa maison:

a) Gilles de Lières conserva Lières, Liérette, Auchel, Nédon et quelques terres de Marles (1)

(1) C’est pour cette raison que les chefs de la maison de Lières qui deviendront plus tard comtes de Saint-Venant et dont les droits passeront dans la maison de Béthune par le mariage de Marie Madeleine Gilles d’Ostrel de Lières avec Adrien François de Béthune, se qualifieront, sur divers papiers, Seigneurs du Wez-à-Marles en partie.

b) Antoine de Lières qui eut: Frefay, Cauchy-à-la-Tour, Marles en partie;

c) Jacques de Lières, chanoine Grand Doyen de St-Omer, nommé par Louis XIV, en 1678, à l’évêché d’Ypres, qui eut dans son lot, la seigneurie du Wez-à-Marles. A sa mort, il la laissa en héritage à son petit neveu, Jean d’Hinnisdaël, descendant d’Antoine de Lières frère de l’évêque d’Ypres.

Antoine de Lières, seigneur de Frefay, Cauchy-à-la-Tour et Marles en partie (quelques terres détachées du Wez) eut une fille, Barbe d’Ostrel de Lières, qu’épousa en 1637 le descendant d’une antique famille de Liège et Namur, Philippe Herman de Hinnisdaël. Ce dernier seigneur fut le fondateur de la branche artésienne de cette famille qui porte armes: “De sable au chef d’Argent chargé de trois merlettes de sables”.

Il s’installa au château de Ferfay qui existe encore de nos jours. De son mariage il eut:

Philippe Herman d’Hinnisdaël, baron de Fumal, colonel d’infanterie, puis brigadier des armées du roi, époux de Marie Carnin de Lillers. C’est à ce dernier que Jacques de Lières, évêque d’Ypres, laissa la seigneurie du Wez-à-Marles. C’est aussi lui qui mit fin, par une transaction avec Philippe de Beaulaincourt, aux prétentions des comtes de Marles sur la seigneurie du Wez-à-Marles.

La contestation entre les auteurs de M. d’Hinnisdaël et ceux des comtes de Marles datait de très loin; en 1563, Philippe d’Ohlain, Sgr de Marles en partie, possédait des terres relevant de la sgrie principale de Marles, appartenant à cette époque aux Noyelles, à qui il refusait de payer les droits seigneuriaux. En 1693, Jean Georges de Beaulaincourt, avait fait abattre six ormes se trouvant au Wez-à-Marles et appartenant à Jacques de Lières, chanoine doyen de la cathédrale de Saint-Omer, seigneur du Wez qui poursuivit le comte de Marles devant le conseil d’Artois. A la suite de cette affaire ils eurent encore ensemble plusieurs procès au sujet des droits de plantations, de pêche de ventaires sur la rivière etc. Cinq sentences du Conseil d’Artois, en l’an 1698, déboutèrent le comte de Marles, qui interjeta appel devant le parlement; aucune de ces affaires n’était encore terminée, quand les héritiers respectifs se mirent d’accord; Philippe Alexandre de Beaulaincourt reconnaît tous les droits de Jean d’Hinnisdaël seigneur du Wez, il se soumet aux cinq sentences qu’il reconnaît exécutoires sur lui; Jean d’Hinnisdaël permet au comte de Marles de se servir de ventaires établis sur la Clarence pour faire flotter les prés; en retour celui-ci payera annuellement deux chapons et deux poules de reconnaissance. Pour la pêche chacun pêchera à l’endroit de ses tennements. Quant à la chasse, les deux comparant pourront chasser indifféremment sur tout le territoire.

Jean Herman d’Hinnisdaël eut de son union avec Marie de Carnin 8 enfants dont:

Adrien Eugène Herman d’Hinnisdaël, baron de Fumal, seigneur de Ferfay, Wez-à-Marles etc., capitaine de la March-infanterie, né en 1718, il épousa en 1747, Marie Philippe de Bournel; dont:

Marie Eugène François Herman, comte d’Hinnisdaël, baron de Fumal et de Monchy, conseiller d’ambassade, colonel commandant de régiment mort en 1786. Sa femme Catherine de Seiglière fut guillotinée à Paris le 24 Juillet 1794. Leur fils Joachim Louis Ernest né en 1779, comte d’Hinnisdaël, marié à Joséphine Mélanie de Villeneuve Tourotte fut le dernier titulaire de la seigneurie de Wez-à-Marles (1). Il dut à son jeune âge de conserver la majorité de ses biens tant à Ferfay qu’à Marles (2)

(1) M. A. de Ternas: généalogie de la famille d’Hinnisdaël

(2) Au XIX° siècle, un descendant des Hinnisdaël vendit le moulin et ses dépendances à M. Lemaire Nicolas d’Houdain.

Cette maison s’est continuée jusqu’à nos jours, elle est encore propriétaire du vieux château de Ferfay, près duquel se trouve le remarquable mausolée qui sert de caveau aux comtes de cette famille.

Plusieurs fois, à travers les temps, plusieurs portions du Wez-à-Marles furent vendues; on ne peut entreprendre ici l’étude de toutes les familles nobles propriétaires à Marles, parmi la plus importante on trouve vers 1789 celle de Pierre François Joseph de Gonsse qui se qualifie de sgr du Wez en partie, il devint aussi propriétaire de la troisième seigneurie de Marles, Rougeville, à la fin du XVIII° siècle.

SEIGNEURIE DE ROUGEVILLE

A l’extrémité de la propriété des comtes de Marles, et également sur le bord de la Clarence, se trouvait le fief de Rougeville, comprenant toutes les pâtures du fond de Marles, jusqu’aux entrepôts de la maison Debacker. Un renouvellement du terrier, daté du 7 Janvier 1715 nous donne une description des droits attachés à cette seigneurie viscomtière:

Le fief de Rougeville a toute justice et sgrie viscomtière … tous les manoirs relevant d’iceluy en cotterie, doivent le dixième denier en relief, et en vente le huitième outre les rentes déclarées à chaque article d’iceux; quant aux terres à labour, elles sont chargées annuellement de 4 sols tournois à la mesure au jour de Noël et en vente dont transport au aliénation le 8° denier de la vente ou prisée en relief le double de la rente”.

Le fief de Rougeville à Marles et à Wez, tenu du château de Béthune à 60 sous parisis de relief, était en 1402 à Gilles du Petit Rieux, il passa ensuite aux Beauffremetz.

La famille de Beauffremetz était propriétaire de la seigneurie de Bourcq, le père du seigneur de Rougeville: Philippe de Beauffremetz, chevalier, avait épousé Nicole de Béthencourt dont il eut:

1) Olivier de Beauffremetz, seigneur du Bourcq, de Rougeville, marié à Anne Thérèse de Genevières; dont:

2) François de Beauffremetz qui épousa Anne Brigitte Maillet le 14 Janvier 1688; son contrat de mariage nous donne une description complète de la seigneurie de Rougeville; en voici le texte:

1688 - 14 Janvier - Contrat de mariage entre François de Beauffremetz et Anne Brigitte Maillet (vers 1730).

Noble seig. François de Beauffremez, esc. Seigr. Du Bourcq, Rougeville et autres lieux demeurant en son château de Marles fils de Olivier de Beauffremez et Anne Thérèse de Genevières. Apport du marié: le chasteau fief seigneurie de Rougeville avec terres cottières et appendances, bois pastures, jardins et prairie contenant 76 mesures tenues en deux fiefs l’un nommé Rougeville avec sgrie viscomtière avec plusieurs droits seigneuriaux reliefs et autres droits au dixièsme denier, le second en certain droit de travers qui se prend au dit Marles et à l’environ tous deux tenus de S. M. à cause de son château de Béthune et lesd. Cotteries tenues tant du comté de Marles, sgrie de Wez-à-Marles, sgrie du Metz et dud. Rougeville”.

Cette union n’eut pas de postérité et la seigneurie de Rougeville fut vendue en 1714 à Procope Luc Le Ricque, écuyer, sgr des Pretz, dont la fille, Agnès épousa, par contrat, le 2 Mai 1752, Louis François Joseph de Servins, écuyer, seigneur d’Héricourt, chevalier de l’Ordre militaire de Saint-Louis, créé chevalier par lettres de Juin 1760, puis marquis par lettres d’Août 1779. Celui-ci servit le dénombrement de Rougeville le 12 Août 1763, et ce fief resta dans sa famille jusqu’à la Révolution d’après le dictionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais. Cependant on trouve dans l’Épigraphie du Pas-de-Calais, arrondissement d’Arras, page 142, comme parrain d’une cloche à Saint-Laurent en 1781 “Le Sr François Joseph Gonsse sgr de Wez-à-Marles, Rougeville en partie, Saint-Laurent, baron d’Athie et autres lieux”. Ce personnage n’est autre que le père du fameux Alexandre Dominique Joseph Gonsse, si connu sous le nom de Chevalier de Rougeville, popularisé par Alexandre Dumas père, sous le nom de chevalier de Maison-Rouge et dont G. Lenôtre a écrit l’histoire sous le titre: “Le vrai chevalier de Maison-Rouge A. D. J. Gonzze de Rougeville, 1761-1814”. Gonzze est une forme erronée: tous les document artésiens portent Gonsse. (1)

(1) On a prétendu que ce chevalier de Rougeville aurait eu l’intention d’enlever Marie Antoinette de la Conciergerie.

Avant d’en terminer avec la famille Gonsse de Rougeville, signalons que le dernier seigneur, précité, eut aussi une fille née Adélaide Françoise Gonsse qui épousa Pierre Cardon de Flégard, chevalier de Saint-Louis. Elle est dont la soeur du Chevalier de la “Maison-Rouge”. De ce mariage est née Adélaide Françoise CARDON de Flégard, qui épousa Louis François CORBINIERE, ancien capitaine, officier de la Légion d’Honneur. C’est elle qui fit construire en 1856, à ses frais, la sacristie adossée à l’église et sous laquelle se trouve un caveau contenant les dépouilles des membres de cette famille. De son mariage avec Louis François Corbinière, elle eut deux filles dont l’une: Adélaide Corbinière épousa M. Buttor, avocat à Béthune. Ce ménage qui hérita de ce qui restait de l’ancienne seigneurie de Rougeville, fit disparaître les derniers vestiges de la “cens” de ce fief pour construire à son emplacement une maison de campagne, aujourd’hui propriété de la Compagnie des Mines de Marles, qui l’affectée comme logement à l’un de ses ingénieurs.

L’étude approfondie de nombreux baux et vieux papiers, nous montre qu’à côté des trois seigneuries bien distinctes de Marles, elles mêmes, comme le Wez et Rougeville, déjà divisées, il existait dans ce village de nombreuses terres possédées par des seigneurs qui n’avaient aucun droit féodal sur ce lieux et en jouissaient comme de simples propriétaires.

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